Autrefois pauvre et essentiellement ouvrier, le quartier Mile End s’est profondément transformé, entrant depuis quelques années, et comme bien d’autres avant lui, dans cette phase socio-économique dite d’embourgeoisement. À terme, de nouvelles enseignes s’établissent, rues et artères allant jusqu’à parfois changer de vocations. La revitalisation des milieux de vie au cœur du phénomène s’accompagne irrévocablement d’une hausse du coût de la vie; du prix des loyers, entre autres. Mais le processus n’est pas linéaire, ni même définitif. Dans ces pérégrinations urbaines, des échoppes bien enracinées poursuivent leurs affaires, créant une courtepointe commerciale à l’image de la mixité sociale qui caractérise le quadrilatère.

Route névralgique du quartier, la rue Saint-Viateur est en quelque sorte l’épicentre de cette reconfiguration partielle mais signifiante. Des enseignes célèbres telles le Café Olimpico et les deux succursales des Bagels St-Viateur qui ont pignon sur rue depuis plus de 50 ans côtoient chocolatiers, friperies et autres magasins venus tout récemment tenter leur chance sur cette artère qui fait tout au plus quelques pâtés de maisons.

Flairant l’attractivité du secteur, la boutique de vêtements sportifs haut de gamme Lululemon s’y implante il y a un peu moins d’un an. En parallèle de la vente au détail d’équipements relatifs à la course à pied, la chaîne propose des séances de yogas en plus d’être le point de ralliement d’un groupe de coureurs. Elle cible en outre une clientèle jeune et dynamique, mais dont l’esprit de communauté rappelle celui perceptible chez les résidents de longue date, une camaraderie ressentie sur une banquette extérieure, ou à la table d’un café, comme le Club Social, établi depuis le milieu des années 1990 au coin de l’Esplanade.

« Ces gens attablés juste derrière toi, ils se rencontrent ici presque tous les soirs » me dit Pino Lucifero, l’un des six frères à la tête de l’entreprise dont le succès s’adosse à la fidélité d’une clientèle majoritairement locale. Pourtant, Monsieur Lucifero constate de visu les répercussions d’un quartier désormais branché et, de fait, gentrifié. « Si tu marches sur St-Viateur, tu vois tous ces locaux fermés, surtout à cause des hausses de loyer. En même temps, des groupes de touristes s’arrêtent ici la fin de semaine alors qu’il y a maintenant des tours guidés dans le coin. J’ai l’impression que dans 5 ou 6 ans la rue va être très différente » lance songeur l’homme à la moustache blanche.

 

Crédit photo bannière : Alain Rouiller

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Échos Montréal

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