La fermeture de 16 journaux de Métro Média a suscité beaucoup de sympathies. C’est toujours triste quand des journaux à vocation de nouvelles locales font le choix de mettre la clé dans la porte. Et ça a une répercussion directe sur la qualité de l’information citoyenne, diminuant entre autres l’amplitude de la couverture locale et des nouvelles citoyennes que les médias nationaux ne couvrent généralement pas.

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Le seul espoir de continuation pour les journaux locaux, c’est la publicité que l’on doit normalement recevoir des divers paliers gouvernementaux, tant aux niveaux provincial et fédéral que municipal, et que l’on espèrerait être beaucoup plus abondante et régulière. Sauf que, alors que c’était déjà la famine publicitaire avant même la crise pandémique de la Covid, depuis celle-ci c’est carrément devenu silence radio, malgré pourtant moult promesses des diverses instances gouvernantes. Une situation que dénonce vivement l’AMECQ, organisme qui représente environ 80 journaux et magazines communautaires à travers le Québec. 

Dans le cas de Métro Média cependant on se doit de mettre un certain bémol et, par souci d’équité envers tous les médias locaux qui eux n’ont pas les poches aussi pleines ni n’ont reçu d’aussi généreuses subventions, de dénoncer une certaine forme d’hypocrisie. En effet, si l’annonce de fermetures multiples et de pertes d’emplois et d’information subséquentes est en soi un événement tragique pour le milieu médiatique, il faut quand même aussi souligner en corollaire les révélations faites par le Journal de Montréal dans son édition du 19 août dernier. 

On peut certes se questionner quand on apprend que le propriétaire Michael Raffoul insiste que le gouvernement doit donner plus, mais en omettant de calculer qu’il a par ailleurs reçu 1,2M$ de la Ville de Montréal, techniquement pour compenser l’interdiction par la Ville de distribuer via Publisac, malgré que entre 2021 et 2022 il ait généré un profit de plus de 3M$. Plus troublant encore, quelques mois à peine avant l’annonce de la fermeture, ce monsieur s’est offert un dividende de 2,57M$, en plus de se donner avec son partenaire d’affaires Andrew Mulé, un salaire mensuel de 26 000$ qui persistait en 2023 malgré les difficultés rencontrées. 

Dans cet ordre d’idée, il serait également prudent pour le Parti libéral de ne pas faire de la spéculation et de jouer les Robin des Bois en réclamant que le gouvernement donne un million $ supplémentaire à Métro Média pour se renflouer et parallèlement contribuer à améliorer sa transition numérique. Ce même gouvernement libéral qui ne fait rien, pas la moindre démarche ou pub, depuis au moins 10 ans pour aider les médias locaux en difficulté devrait peut-être se garder une petite gêne. À travers tout ça, il est quand même pertinent de mentionner qu’un journal communautaire comme Échos Montréal appartient à la communauté, ce qui est différent de ceux de Métro Média qui sont la propriété d’individu(s). 

Et tout ça nous ramène aux placements publicitaires. La réalité des médias de quartiers est qu’ils doivent se heurter au manque de solidarité des entreprises québécoises qui n’annoncent jamais dans les journaux de quartiers, et au manque de probité socioéconomique des trois paliers de gouvernements, qui font à toutes les tribunes de la signalisation verbale de vertu, la main sur le cœur, pour signifier leur attachement à la cause communautaire et à l’importance d’une information citoyenne et démocratique de qualité, mais qui ne passent pas de la parole aux actes et ne font presque aucun placement publicitaire dans les médias locaux, particulièrement depuis la fin 2021. 

Et tout ça, comble de l’indécence, au profit des Meta et Google de ce monde, ces conglomérats géants et multimilliardaires qui non seulement volent sans vergogne leur contenu rédactionnel et leurs articles dans les médias traditionnels sans autorisation ni verser la moindre compensation envers les médias et les journalistes ainsi escroqués, mais qui en plus ne paient même pas d’impôts! Malgré tout, ces richissimes entreprises américaines continuent de recevoir le plein support publicitaire d’organismes québécois comme Hydro-Québec, Loto-Québec, la Caisse de Dépôt et de Placement du Québec, la S.A.A.Q., Montréal Centre-Ville, la Chambre de Commerce du Montréal Métropolitain, et bien d’autres encore. 

Les grands décideurs se contentent de prétendre qu’ils vont agir et que, furieux des agissements de ces multinationales, ils vont les boycotter et encourager plus les médias locaux, vraies sources d’informations. Mais comme toujours ce n’est que du vent. On déclare sa vertu, mais sans jamais le moindre geste concret. Or, il serait vraiment temps que les instances dirigeantes, les organismes et les corporations se réveillent si on veut garder en vie les seuls médias de quartiers qui subsistent et qui sont essentiels pour la qualité de l’information démocratique et citoyenne, et la diffusion de nouvelles locales. 

La disparition de la majorité de ces journaux dans une ville importante comme Montréal le démontre, et Échos Montréal, qui se bat depuis 30 ans au cœur de la métropole est un des rares médias qui restent. Dire qu’il est minuit moins une serait un euphémisme. 

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Vincent Di Candido

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