Ce mois-ci, deux de nos journalistes se sont prêtés vigoureusement au débat. La question qui les anime : les manifestations sont-elles utiles ?

NON

 

Je reprends la phrase de Coluche : « Si les manifestations servaient à quelque chose, on les aurait interdites depuis longtemps ».

L’adage fonctionne à merveille, mais on ne saurait ôter aux marches revendicatives toute utilité. Elles sont parfaites, par exemple, pour celui qui veut s’offrir une conscience sans trop d’efforts. Toutes aussi bonnes pour celle qui a envie de crier à plein poumons des slogans vides de sens pour se détendre. Il y a aussi ceux qui participent à la manifestation parce qu’ils veulent montrer à quel point ils sont engagés et créatifs ; ils arborent fièrement des pancartes remplies des banalités. Enfin, il reste les pauvres moutons solitaires, qui veulent expérimenter un sentiment d’appartenance, qui aimeraient vivre comme les autres ne serait-ce que pendant une balade dans une ambiance décadente.

La manifestation, peu importe la cause pour laquelle elle se tient, a le mérite de rassembler tous les benêts en manque de sensations fortes.

D’autant plus que, comme tu le dis, c’est pas comme si les manifestations n’avaient pas changé le monde. Rappelons-nous de l’invasion de États-Unis en Irak. Il n’a fallu que 10 ans pour que quelqu’un écoute les cris de paix. Et dans le cas des Printemps arabes, tout le monde sait que la Syrie et la Libye sont en bien meilleur état aujourd’hui qu’il y a 15 ans. Parce que c’est bien connu, marcher et scander des slogans a toujours fait changer les dictateurs et les politiciens d’avis.

Récemment des gens manifestaient en Allemagne contre la montée du parti d’extrême droite AFD, sans se rendre compte qu’ils manifestaient tout simplement contre la démocratie…

Permettons nous d’être francs. Les gens qui composent les foules ne sont pas les plus brillants, sauf pour bloquer la circulation, et empêcher les gens qui travaillent de se rendre au bureau, ou chez eux. Voilà la passion du manifestant !

Il serait malhonnête de dire que, dans les manifestants, il n’y a que des gens sans trop d’idées. Il y a des gens qui utilisent la manifestation en connaissance de cause : les casseurs et les pilleurs ! Dans la foule, ils sont protégés et même parfois animés à casser le mobilier urbain et à dévaliser les boutiques. Vu que la police reste loin, c’est l’impunité totale. Dans ces conditions-là, je comprends que tu veuilles manifester.

 

OUI

Il avance le monde d’après confortablement installés dans ton petit fauteuil. Oui, parce qu’après tout, la défense des droits : on s’en fout ! Puis tant que t’y es, prosternes-toi devant tous ceux qui décident à ta place. Dis oui à la servilité alors même que tu es le premier à scander que rien ne va. D’ailleurs, n’oublie pas de sagement te délecter de la nourriture gentiment prédigérée par ceux d’en-haut, mais ne surtout ne t’insurges pas par la suite s’il te manque les ailes et les droits pour voler librement. Parce que c’est toujours plus facile de ne rien faire et d’attendre patiemment que certains dans les rues induisent les changements à ta place hein ?

Deux salles, deux ambiances. Je te pose la question : est-ce que nombreux de nos droits n’ont pas été acquis par les manifestations précédentes ?

Tiens, par exemple, prends le droit des votes des femmes. Acquis en 1940 au Québec grâce aux actions dans les rues des militantes féministes. Puis, la mobilisation générale de Winnipeg en 1919 qui a amorcé la reconnaissance des syndicats ouvriers canadiens par les employeurs ainsi que le droit à la négociation collective, ça te parle ? En 1967 déjà, les enseignants du Québec avaient obtenu gain de cause de

leurs rassemblements : la signature de la première convention collective (1969). Plus récemment – parce que je te vois venir avec tes bassesses -, ça n’est pas grâce aux manifestations du « Printemps érable » en 2012 que tout un chacun a pu bénéficier de l’annulation d’une promise augmentation des droits de scolarité ?

Est-ce que je t’ai réveillé ? Il paraît que tu marches mieux à la polémique.

Si tu le permets, maintenant que je tiens ton attention, je voudrais souligner que ton avis compte. Si tu ne le fais pas entendre et valoir, qui le fera « correctement » à ta place ? Pouvoir manifester sa parole est un droit. Une force. Elle est un espoir pour certains. Une utopie pour tous les citoyens muselés à travers le monde. À plusieures, elles peuvent mettre en train les moteurs de grands changements, les moteurs vers la fin d’injustices et d’atteintes aux droits humains.

Alors, n’aie pas peur de parler !

N.B. : les opinions écrites ne reflètent pas ceux de nos journalistes. Il s’agit d’un exercice d’écriture satirique « à prendre au 1000 degrés ».

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Échos Montréal

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