Montréal a vu passer plusieurs maires dans les dernières décennies,

qui tous se sont affairés à mettre en valeur leurs visions respectives

et leur travail collectif acharné au service de la métropole. Au

premier rang, nous vient bien sûr à l’esprit le maire Jean

Drapeau, dont l’apport pour notre ville et les réalisations furent si

nombreuses qu’il est d’ailleurs le seul à avoir été récompensé par sa

statue en bronze grandeur nature, placée en face de l’hôtel de ville,

sur la rue Notre-Dame.

Au cours de la période faste des années 1960 où il a officié,

beaucoup de projets ont vu le jour, transformant Montréal et

l’amenant d’un simple statut de grande ville jusqu’à celui de

métropole d’envergure internationale. On lui doit ainsi l’Exposition

universelle de 1967, affublée en parallèles de toute une série de

constructions ; chantiers majeurs, dont notamment la

construction du métro, le Stade olympique, la Place Ville-Marie, le

tunnel Louis-Hyppolyte Lafontaine, le Pont Champlain, les grandes

autoroutes, etc… dans cette continuité il fut aussi l’acteur majeur

dans l’obtention à Montréal des Jeux olympiques de 1976.

Ses quelques détracteurs diront de lui qu’il était trop dépensier ou

qu’il avait une gouvernance un peu trop pharaonique. Mais un fait est

indéniable, il aimait Montréal avec passion, il la voyait comme une

métropole internationale au potentiel exceptionnel et il a toujours eu

de grandes ambitions pour elle, œuvrant sans relâche pour la faire

connaître aux yeux de toute la planète. C’est une des nombreuses

raisons, en plus d’une personnalité attachante et authentiquement

altruiste, qui faisaient en sorte que ses citoyens montréalais

adoraient leur maire et qu’ils honorent sa mémoire encore

aujourd’hui.

Bien sûr, quand le standard de base est aussi élevé que celui posé

par Jean Drapeau, la comparaison ne peut que devenir un peu

ingrate pour tous les maires qui suivirent.

Cela dit, une fois affranchi de l’héritage Drapeau, l’exercice peut

s’avérer intéressant d’analyser brièvement quelques-uns des divers

accomplissements – ou des échecs – des Maires qui se sont

succédés à l’hôtel de ville depuis les années ’80.

Jean Doré

Après avoir été dans un premier temps battu en 1982 par un Maire

Drapeau en route vers son 8è et dernier mandat avant la retraite,

c’est Jean Doré, en tant que chef du RCM (Rassemblement des

Citoyens de Montréal) qui sera le premier à lui succéder en

novembre 1986, avant d’être réélu pour un 2 ième mandat en 1990.

Avocat de formation, il fut reconnu pendant ses deux mandats

comme un rassembleur doté d’une intégrité sans failles, ralliant à

la fois les milieux des Affaires et de la Culture, et un maire de

consensus, mais qui ne craignait pas de se battre pour ses opinions.

On a également à maintes reprises souligné sa maîtrise des

dossiers, sa grande probité, ainsi que son sang-froid et son

efficacité lorsque confronté à diverses crises.

Il est un peu dommage qu’il ait souffert des comparaisons avec un

Jean Drapeau plus grand que nature car en réalité Jean Doré compte

à son actif plusieurs réalisations louables. On lui doit notamment le

tout premier Plan d’urbanisme de l’Histoire de Montréal qui

engloba de grands projets tels que : la consolidation du Centre-ville ;

l’aménagement des Faubourgs Québec, Saint-Laurent et des

Récollets ; le développement des Berges du Canal Lachine ; et les

mises en valeur du Quartier des musées et du Vieux- Montréal du

Vieux-Montréal, avec entre autres la réfection des rues de la

Commune et Saint-Paul ainsi que du Champ-de-Mars, la rénovation

du Marché Bonsecours, la construction du Musée d’archéologie et

d’Histoire de la Pointe-à-Callière, et l’addition de plusieurs places

publiques. Tous ces projets s’étalèrent de concert avec le 350ième

anniversaire de Montréal.

En ce qui a trait aux écueils ayant parsemé ses années en tant que

maire, on retiendra surtout ses nombreuses confrontations avec des

syndicats, dont celui des cols bleus de la ville, ainsi que la

controverse au sujet d’une dépense plutôt salée de 300 000 $ pour

changer les fenêtres de son bureau.

Pierre Bourque

Après une carrière de 25 ans comme fonctionnaire pour la Ville de

Montréal, notamment à la tête du jardin botanique de Montréal, Pierre

Bourque décide de fonder le Parti Vision Montréal, pour contrer ce

qu’il perçoit comme la stagnation de l’ère Doré. Son pari fonctionna et

il fut élu 40ième maire de l’histoire de Montréal en novembre ’94, puis

réélu pour un deuxième mandat partiel de 1998 à 2001.

Surnommé Géranium 1er (ironiquement d’abord, puis

affectueusement ensuite), ses mandats comportèrent plusieurs

accomplissements environnementaux, qui s’inscrivaient en parfaite

lignée avec son expérience à la tête du Jardin botanique. Il fut

notamment l’instigateur du projet de réouverture du Canal Lachine, le

créateur de l’exposition récurrente des Floralies et de l’instauration

des Eco-centres pour la récupération et le recyclage, ainsi que des

Éco-quartiers pour la collecte sélective, encore en fonction

aujourd’hui.

En contrepartie plus négative, on a souvent reproché au maire

Bourque son style de gestion un peu autocratique à vouloir tout

contrôler, de même qu’un certain manque de transparence quant à

ses dépenses budgétaires. Mais ce qui a ultimement sonné son glas

à l’hôtel de ville, c’est le grand chantier urbain d’ « Une île, une ville »,

un projet majeur qui englobait la méga-fusion de quelques 29

municipalités de l’île de Montréal en une seule entité. Plan-phare

d’une vision municipale qui était d’ailleurs partagée par plusieurs et

dont le maire Bourque était même parvenu à convaincre le

Gouvernement du Québec, ce projet s’avéra son chant du cygne

municipal quand les banlieues désormais raccordées à la ville-centre

par la fusion, – et qui avaient majoritairement manifesté leur désaccord

à ce sujet -, contribuèrent à lui infliger une défaite cinglante aux

élections municipales de novembre 2001.

Gérald Tremblay

On aimerait aborder le bilan de Gérald Tremblay en mentionnant ses

réalisations ou les projets pour la ville qui ont abouti sous son égide.

Malheureusement, tandis même qu’il a été élu pour 3 mandats et qu’il

a passé près de 10 ans à la tête de la métropole, c’est strictement la

fin catastrophique de son règne que l’on retiendra, marqué par le pire

scandale de corruption municipale de l’histoire de Montréal.

Gérald Tremblay s’était pourtant frayé un chemin jusqu’au bureau

principal de l’hôtel de ville sous de bons auspices. Profitant du

mécontentement et de la grogne en réaction au méga-chantier des

fusions municipales, cet ancien député libéral D’Outremont est en

effet parvenu dès son premier essai à battre Pierre Bourque en

novembre 2001, un succès qu’il rééditera d’ailleurs de nouveau

contre celui-ci en 2005, ayant toutefois au passage le douteux

honneur d’avoir enregistré les plus faibles taux de participation

électorale citoyenne de l’histoire la ville. Il sera ultimement réélu pour

un 3è mandat en 2009, qu’il terminera cependant avant terme en

novembre 2012, démissionnant dans la disgrâce suite aux majeurs

Scandales des Compteurs d’eau et des Enveloppes brunes.

Rappelons que ces fraudes concernaient la surfacturation et la

collusion généralisée dans l’octroi des contrats de travaux de

construction et d’infrastructure, via un amalgame déplorable (et

criminel) de pots-de-vin (les fameuses enveloppes brunes), de prête-

noms, d’intimidations et de fausses déclarations, le tout érigé en un

système qui englobaient tout à la fois des entrepreneurs en

construction, la mafia, des fonctionnaires, municipaux et certains

grands pontifes de l’administration municipale montréalaise.

Or, tout au long des découvertes choquantes exposées dans les

médias sur l’ampleur de cette corruption systémique à Montréal, la

défense pathétique du Maire Tremblay fut de se poser en victime

innocente, laissant la population avec trois conclusions, toutes aussi

inacceptables les unes que les autres :

Soit il a menti et il faisait lui-même partie du système criminel ;

Soit il croyait en l’innocence de tout le monde et il ignorait réellement

ce qui se passait sous son nez, auquel cas il aurait fait preuve d’une

naïveté – et surtout d’une incompétence – effarantes en tant que

maire ;

Ou soit, plus probable, il le savait, n’était pas lui-même directement

impliqué mais il était bien au courant et n’a absolument rien fait pour

l’empêcher ou pour le dénoncer, ce qui serait à bien y penser encore

plus déplorable.

Au passage, on fait un aparté pour mentionner que cette

performance lamentable de l’administration Tremblay aura aussi

contribué par ricochet parallèle à démolir la carrière d’un homme de

grande valeur et qui aurait été bénéfique pour Montréal, Benoît

Labonté, dont le seul tort au final aura été d’avoir menti, au tout début

de cette crise, sur ses accointances avec des entrepreneurs en

construction parfois un peu louches et le fait d’avoir été sur le bateau

d’une des figures centrales impliquées dans ce scandale du domaine

de la construction. Les mois qui suivirent ont révélé dans l’actualité

des détails bien pires au sein des administrations municipales à

plusieurs endroits de la province et mis à jour de réels actes

frauduleux et criminels. Sauf qu’en attendant, la carrière politique et

municipale de monsieur Labonté a été anéantie.

Quant aux autres « accomplissements » de l’ère Tremblay, ils se

résument à bien peu de choses : on l’a dit, bilan éthique

catastrophique ; réactivité aux problèmes, désastreuse ; démocratie

citoyenne à laquelle il a contribué en créant le poste d’ombudsman

ainsi qu’un office de consultation dans le but de donner une voix aux

citoyens et leur permettre de s’opposer à des projets mais qui ont au

final sous son régime auront plus été des apparats bureaucratiques

sans réelle influence. En vérité, la seule réalisation concrète durable

de Gérald Tremblay qu’on peut avoir à l’esprit serait l’implantation du

réseau de vélos Bixi.

Denis Coderre

Arrivé en grandes pompes sur la scène municipale, Denis Coderre

profitait déjà d’une grande notoriété et d’une certaine fanfare du fait

de sa longue carrière politique fédérale au sein du Parti Libéral.

Tablant sur ce fait et profitant également de la division du vote au

sein d’une course électorale qui ne comportait pas moins de 4

candidats à la mairie, ce politicien d’une redoutable efficacité

médiatique réussit, malgré les nombreux détracteurs allergiques à

son style autoritaire et fort en voix, à se faufiler à la tête de Montréal

en novembre 2013.

Malgré les résultats d’élection plutôt serrés et sa victoire de courte

marge, son arrivée à la mairie suscita un certain enthousiasme même

chez ceux qui n’avaient pas voté pour lui au sein d’une population

montréalaise encore meurtrie par la fin de règne désastreuse de

l’administration précédente. On voyait en lui un politicien de

caractère, à l’expérience et aux connaissances vastes, et qui n’aurait

pas peur d’aller au front pour la métropole montréalaise ni de se faire

entendre des autres paliers gouvernementaux, tout le contraire d’un

Gérald Tremblay un peu plus effacé et mièvre, et dénué soit de

courage, soit de compétence, soit de probité.

Travailleur infatigable et hyperactif, le mandat du Maire Coderre se

caractérisa par son dynamisme et ses promesses de projets tous

azimuts, dont bon nombre d’ailleurs, à son crédit, furent réalisées.

Dès le départ, il importait plus que tout de redonner aux Montréalais

confiance envers l’intégrité de l’administration municipale. Le Maire

Coderre s’y est affairé premièrement en assainissant l’appareil

bureaucratique municipal et en le purgeant de ses éléments

faisandés, puis en instaurant toutes une série de leviers et de

mesures pour encadrer, régimenter, double-vérifier et analyser tous

les octrois de contrats d’infrastructures (et autres). Il a en outre créé

l’addition d’un poste de vérificateur général, avec pouvoirs élargis

permettant à celui-ci d’intervenir en cas où des signaux troublants

devaient émaner de certains contrats ou appels d’offres.

Son influence s’est également faite sentir au niveau des transports,

alors que la ville a poursuivi le développement des pistes cyclables et

amélioré les mesures de sécurité pour les piétons, et ralenti la

circulation dans les zones résidentielles. À ce chapitre cependant, on

doit mentionner qu’avec un seul mandat à son actif, il a manqué de

temps pour pouvoir accomplir toutes les améliorations qu’il désirait

mettre de l’avant, notamment pour prolonger certains axes routiers,

développer l’offre de transport en commun et améliorer la fluidité de

la circulation. Autre reproche qu’on lui adresse ; la situation déjà

chaotique des chantiers et des nids-de-poule omniprésents s’est

davantage détériorée sous son règne.

L’autre objectif-phare de la gouvernance Coderre fut liée à la Culture,

à laquelle le maire attachait beaucoup d’importance. Ses réalisations

furent très nombreuses : renforçant le réseau de la culture, sa

diffusion, son rayonnement international, sa démocratisation grand

public, ses financements aux organismes, toutes autant de

démarches très louables. En contrepartie cependant, on reprocha au

maire des dépenses pharaoniques, symbolisées parfaitement par le

budget princier de quelques centaines de millions de dollars

entourant le 375 ième anniversaire de Montréal.

À l’époque notre journal Échos Montréal était d’avis – et nous

n’avons pas changé d’opinion depuis – qu’au moins une partie de cet

influx massif d’argent aurait dû être investi ailleurs plutôt que de

tenter artificiellement de créer un événement à l’intérêt moyen

(350ième , ok… 400ième , oui… mais 375ième ?) dans une ville qui compte

déjà sur une bonne présence touristique et un excellent apport

culturel en raison de ses nombreux festivals et événements. Tout ça

semblait en réalité voué à satisfaire les égos surdimensionnés des

deux principaux défenseurs des festivités, le Maire Coderre et Gilbert

Rozon.

Cette obstination autocratique du maire, ses dépenses incontrôlées

et son arrogance revancharde face aux critiques lui coûteront

d’ailleurs la réélection, suite à la controverse entourant la venue de la

Formule E électrique à Montréal, qui engendra beaucoup de

désagréments aux citoyens et aux commerçants et s’avéra un

véritable bide, avec des assistances faméliques.

Valérie Plante

(L’article ayant été écrit pendant le 1er mandat de Valérie Plante à la

tête de l’hôtel de ville, nous n’avions pas encore un portrait aussi

complet de la situation montréalaise sous la chefferie de madame la

mairesse qui se surnommait elle-même « L’Homme de la situation ».

Depuis les choses ont changé, et pas pour le mieux. Restez à l’affût

car nous mettrons très bientôt à jour la section concernant Valérie

Plante…

Merci à vous chers lecteurs qui encouragent notre journal depuis

toutes ces années !

À propos de l'auteur

Échos Montréal

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