Envoûter, dénoncer, soulever, stupéfier, débattre, jubiler. En quelques injonctions pleinement assumées, le Festival TransAmériques embrasse l’essence de la danse et du théâtre, pour que s’articule la révolution d’un monde où l’inertie n’est plus envisageable. Mais pour qu’advienne le changement, il faudra d’abord se défausser de ses a priori, confronter ses idéaux et Sortir de soi, leitmotiv de la 13eédition de l’événement montréalais qui se tiendra du 24 mai au 4 juin prochain. Échos Montréal s’est entretenu avec Jessie Mill, dramaturge et conseillère artistique du FTA.

 

Foncièrement, sortir de soi, c’est d’abord aller vers l’autre, vers l’inconnu. Vous proposez toutefois un équilibre entre les productions étrangères et québécoises. Cet autre est-il aussi en nous ? 

Certainement! L’altérité se retrouve d’abord en nous. Ainsi, sortir de soi c’est aussi oser le vertige et l’imaginaire, vivre des expériences et prendre des risques. Dans l’éventail de la programmation, il y a ces créations provenant d’ailleurs. Ce sont en grande majorité des œuvres finies, rôdées. Quant aux créations québécoises, elles sont souvent naissantes, voire embryonnaires. Elles verront le jour sur les planches du festival. Voilà une prise de risques autant pour le créateur que le spectateur.

 

Votre programmation est résolument engagée. Est-il nécessaire de l’être ?

Je crois que oui. Le festival ne veut ni ne peut pas être un simple relai, une plateforme lisse et consensuelle. On essaie de prendre part à la marche du monde, aux débats qui animent les sociétés, par exemple en amenant des créations qui nous bousculent. Le projet de Christian Lapointe, Constituons !est un véritable exercice citoyen. Celui-ci chérit l’ambition de doter le Québec de sa première constitution. Essentiellement, il redonne au théâtre ses fonctions d’origine, celle de l’agora où prennent forme des discussions. Une autre création, Kalakuta Republikdu chorégraphe originaire du Burkina Faso, Serge Aimé Coulibaly, rend hommage aux artistes engagés et au soulèvement des êtres par l’entremise de la figure de génie et révolutionnaire qu’était Fela Kuti. Comme je le disais, le festival ne doit pas être passif. Il est ainsi en friction avec les œuvres, en résistance, en dialogue. On se demande toujours qu’est-ce que tout ça dit à Montréal en 2019. On ne pense pas à l’édition de 2020. Bref, on essaie d’être actif, dans le présent.

© Bill Bachmann Alamy Stock Photo

Mais n’est-il pas dangereux d’étreindre sans recul ce présent ? 

C’est une bonne question. Notre désir est d’être le plus près possible du présent, mais cela n’empêche pas le recul que l’on obtient grâce aux expériences vécues. Martin Faucher (le directeur artistique) et moi voyons 400 spectacles par année. On a donc un éventail de créations dans lequel on pige, en prenant un pas de côté pour bien saisir ce à quoi on nous a convié. Ultimement, on confrontera ces propositions à ce qui se déroule ici, à nos scènes politiques et culturelles.

 

Au-delà des performances, à quoi peut-on s’attendre ?

Plus du tiers de la programmation est constituée d’activités entre les spectacles. Au Quartier général du festival auront lieu de grandes rencontres ouvertes au public, des discussions en écho aux œuvres présentées afin de poursuivre la réflexion.

 

Crédit photo bannière : © Stefan Kaegi Still

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Échos Montréal

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