Le premier débat des élections municipales a eu lieu le 16 septembre dernier à la Grande Bibliothèque de Montréal. Les trois candidats à la mairie Luc Rabouin, Soraya Martinez-Ferrada et Craig Sauvé ont échangé sur la vie démocratique, le climat social tendu et le coût de la vie. Tour d’horizon des différentes mesures proposées par les candidats pour faire face aux défis municipaux.

© Charline Caro
Organisé par l’Institut du Nouveau Monde et Transition en commun, cet événement avait pour but d’offrir un dialogue entre les trois principaux candidats à l’élection municipale, qui ont répondu aux questions de la journaliste Maude Goyer et à celles des citoyens. Devant la salle comble de l’auditorium de la Grande Bibliothèque, les aspirants maires sont montés sur scène sous les applaudissements. Soraya Martinez Ferrada, cheffe du parti d’opposition Ensemble Montréal était la première à rejoindre son fauteuil, suivie de Luc Rabouin, candidat pour Projet Montréal et successeur de Valérie Plante. Craig Sauvé, candidat outsider et chef du tout nouveau parti Transition Montréal, fermait la marche.
Intégrer les citoyens aux décisions
Le premier axe de la discussion portait sur la démocratie municipale, et la manière dont les citoyens doivent être intégrés à la vie politique. « Comment allez-vous vous assurer que vos décisions répondent aux besoins des citoyens ? », a demandé la journaliste et modératrice aux candidats. Première à prendre la parole, Mme Martinez Ferrada a invoqué la nécessité des consultations publiques, qui permettent de « mener des projets qui représentent vraiment ce que les citoyens veulent », notamment lorsqu’il est question d’aménagement urbain. À condition d’écouter « tous les points de vue », a-t-elle ajouté. La candidate du parti d’opposition estime en effet que l’administration en place ne tient pas toujours compte de l’avis de tous les citoyens. « On ne peut pas juste consulter ceux qui pensent comme nous », fustige-t-elle, sans nommer ceux qu’elle juge responsables.

Soraya Martines Ferrada © Facebook
Mais c’est bien à son concurrent de Projet Montréal qu’elle s’adresse, alors que l’administration Plante est régulièrement critiquée par le parti d’opposition pour son manque d’écoute. Lors d’une entrevue à TVA Nouvelles à l’hiver dernier, Mme Martinez Ferrada avait dénoncé le « dogmatisme » du pouvoir en place, prenant l’exemple des pistes cyclables, parfois installées « au détriment des citoyens ».

Luc Rabouin © Facebook
À Échos Montréal, elle avait dit que c’était l’une des grandes différences entre son parti et celui de Luc Rabouin : « Quand on fait une consultation publique et qu’il y a des recommandations, on les écoute et on les applique. » Une fois son tour de parole venu, Luc Rabouin a rappelé que « tout le monde n’a pas mêmes conditions de participation ». Se rendre à une consultation publique nécessite selon lui des conditions matérielles et de la confiance en soi, que tout le monde n’a pas. Si l’administration de Projet Montréal n’applique pas toujours les recommandations des consultations, c’est parce qu’elle « s’assure qu’on n’entend pas juste les personnes qui parlent fort, mais aussi celles qui ne sont pas là pour s’exprimer », a-t-il répondu à son homologue. Le micro est ensuite passé à Craig Sauvé, qui a mis l’accent sur la difficile réalité socio-économique. « La vaste majorité des gens ne peuvent pas aller aux consultations pour des raisons de conditions matérielles […], certains sont en mode survie. » Les crises du logement et de l’itinérance notamment, ne permettent pas à la démocratie municipale de fonctionner, a-t-il appuyé. La priorité n’est pas aux consultations publiques, considère ainsi M. Sauvé, mais bien à l’amélioration de l’accès aux « besoins de base », qui fait défaut à trop de citoyens.
Un problème démocratique à Ville-Marie
Durant la discussion sur la démocratie municipale, le sujet de l’anomalie électorale de l’arrondissement Ville-Marie est rapidement venu sur la table. En effet, les citoyens du Centre-ville ne peuvent pas voter pour leur maire d’arrondissement, car ce poste est automatiquement occupé par le maire de la ville. Tout comme deux des conseillers d’arrondissement, qui ne sont pas élus par la population, mais désignés par la mairie de Montréal. « C’est un déficit démocratique », admet Luc Rabouin, qui s’engage à abolir les postes de conseillers désignés par la ville, et à les remplacer par des conseillers élus. Toutefois, il juge « absolument essentiel que le maire ou la mairesse de Montréal dirige l’arrondissement Ville-Marie », comme c’est le cas aujourd’hui avec Valérie Plante. Le Centre-ville étant « le coeur économique et culturel de la ville et de la province », il faut que « les décisions aillent dans le même sens », appuie le candidat. Ce qui ne serait pas possible selon lui si le maire d’arrondissement a des positions contraires au maire de Montréal. Craig Sauvé a répondu à son homologue en avançant que les « citoyens de Ville-Marie n’étaient pas des citoyens de seconde classe ». Contrairement à Luc Rabouin, le chef de Transition Montréal veut mettre fin à l’exception de Ville-Marie, et permettre à ses citoyens de voter pour leur maire d’arrondissement. « Ils le méritent au même titre que les autres », défend-il.
Un climat social tendu
La modératrice a ensuite demandé aux candidats leur avis sur climat social à Montréal. Luc Rabouin s’est levé de son fauteuil, et a qualifié le climat social de « difficile ». « Les idées de droite populiste radicale font leur chemin ici-même, et pas seulement au sud de la frontière », a-t-il regretté, faisant référence aux États-Unis. L’actuel maire du Plateau Mont-Royal dit vouloir combattre ces idées, et rappeler qu’« ici l’égalité c’est important et la diversité c’est une richesse ». Au-delà des idées, il juge que le débat public est de plus en plus compliqué, notamment sur les réseaux sociaux où le climat est « très acrimonieux ». Le candidat souhaiterait créer des espaces de dialogue pour retrouver des discussions plus apaisées.
Sa concurrente Soraya Martinez Ferrada l’a rejoint sur l’état du climat social, l’imputant pour sa part au « contexte géopolitique difficile, qui a fait naître beaucoup de tensions dans nos rues à Montréal ». Les crises du logement, de l’itinérance et de l’inflation ajoutent également de la tension aux discussions, selon elle. La cheffe d’Ensemble Montréal regrette toutefois que le « dialogue démocratique soit polarisé de manière aussi extrême ». Elle juge en avoir été « [elle]-même victime », prenant l’exemple des pistes cyclables, dont elle ne peut pas discuter « sans se faire traiter d’anti-vélo ou de pro-char », dénonce-t-elle. M. Rabouin a rétorqué par la suite que Mme Martinez Ferrada jouait un « rôle dans cette polarisation ». « Son premier engagement a été de dire que des pistes cyclables ne sont pas sécuritaires, et qu’elle voulait les défaire », critique-t-il, estimant que sa concurrente devrait « réfléchir à sa façon d’apporter les choses ».
Dernier à intervenir sur la question, Craig Sauvé dit « entendre beaucoup de bonne volonté de [ses] collègues », mais estime que la polarisation du débat provient également de la classe politique. À l’image du désaccord entre ses concurrents sur les pistes cyclables, il accuse « l’opposition systématique » entre les partis politiques au pouvoir. « Si vous écoutez le conseil de ville de Montréal ces temps-ci, ce n’est pas beau à voir », esquisse-t-il. Le candidat outsider veut ainsi réformer le système politique municipal, de manière à « obliger les partis politiques à collaborer entre eux ». Une fois le débat terminé, les candidats ont encouragé les électeurs à voter le 2 novembre prochain, alors que le taux de participation aux dernières élections municipales était seulement de 38 %.
Crise de l’itinérance
Luc Rabouin s’engage à créer 1000 nouvelles unités de logements sociaux et transitoires, qui accueilleraient des personnes itinérantes et les aideraient à sortir de la rue. Pour prévenir l’itinérance, il souhaite mettre en place un accompagnement automatique par l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM) pour les locataires qui reçoivent un avis d’éviction, pour éviter qu’elles se retrouvent à la rue. Soraya Martinez Ferrada propose de créer un Groupe d’intervention tactique en matière d’itinérance (GITI), qui aurait pour mission de coordonner toutes les décisions en la matière. Le groupe rassemblerait des ministres fédéraux et provinciaux, la police de la ville (SPVM),

Craig Sauvé © Facebook
et la Société de transport de Montréal (STM). La candidate souhaite également créer un comité local de sécurité publique, dont feraient partie des citoyens et des organismes, sous la supervision du SPVM. Craig Sauvé veut quant à lui investir 25 millions $ par année dans des programmes de prévention de la criminalité, notamment à destination des jeunes. Le chef de Transition Montréal souhaite ensuite créer une « unité de réponse civile » au 911, responsable de traiter des incidents non-criminels, comme les urgences sociales liées à l’itinérance.
Pénurie de logements abordables
Luc Rabouin propose de créer un fonds municipal de garantie de 100 millions de dollars destiné aux OBNL qui souhaitent acquérir des immeubles et les retirer du marché spéculatif, afin qu’ils restent abordables. Cette technique permettra selon lui de sortir entre 4000 et 5000 logements du marché spéculatif. Il veut poursuivre l’objectif de la Ville d’atteindre une proportion de 20 % de logements « hors marché » sur l’île d’ici 2050. Soraya Martinez Ferrada veut accélérer la construction de logements hors-marché en les exemptant de frais municipaux, en mettant à disposition des terrains détenus par la Ville et en créant une équipe spécialisée qui simplifiera les démarches administratives. La candidate souhaite par ailleurs mettre fin au Règlement pour une métropole mixte, qui oblige les promoteurs à intégrer des logements sociaux dans leurs projets, qui freine selon elle la construction de logements dans la métropole.
Multiplication des chantiers
Pour favoriser la fluidité du Centre-ville, Luc Rabouin propose notamment d’interdire les cônes orange de toutes les rues dont la vitesse maximale est fixée à 50 km/h ou moins, par des structures plus discrètes comme les bollards. Il souhaite également créer Action chantier, une unité responsable de tous les travaux dans la Ville, pour permettre une meilleure coordination des chantiers. Soraya Martinez Ferrada veut produire un inventaire complet des chantiers pour identifier les conflits et optimiser la coordination des chantiers. Elle veut ensuite informer en temps réel les résidents et commerçants des chantiers majeurs et de leur impact. Enfin, elle s’engage à interdire qu’une rue soit mise en chantier plus d’une fois par période de cinq ans, sauf exception majeure.
Taxes
Luc Rabouin s’est engagé à limiter les hausses de taxe à un taux fixe, entre 2 et 3 % par an. Il a également annoncé un gel des taxes commerciales pendant quatre ans pour les petits commerçants de quartier. Soraya Martinez Ferrada s’engage de son côté à limiter les taxes au taux d’inflation. Craig Sauvé souhaite instaurer une taxe sur les propriétés unifamiliales de luxe qui valent plus que 3,5 M $. Les sommes récoltées seront consacrées à la lutte contre l’itinérance et la crise du logement.
Bannière principale: © Stéphan Poulin – Tourisme Montréal
