Professeur à l’école polytechnique de Montréal en Génie nucléaire jusqu’en 1995 et fondateur de Sanuvox, une entreprise québécoise chef de file mondial de la purification de l’air par les ultraviolets, le docteur Normand Brais bénéficie d’un positionnement privilégié pour pouvoir se placer au cœur de l’actualité de ces deux dernières années, alors que la pandémie de Covid-19 a sévi sur toute la planète.

C’est avec une grande générosité et un désir sincère de communiquer son savoir que le Dr. Brais a partagé avec nous ses connaissances et ce pouvoir de vulgarisation que seul l’esprit scientifique peut rendre. Après tout ce n’est qu’à partir du moment où l’on a acquis et mis en ordre assez d’information, d’éléments scientifiques, de décisions politiques et législatives, de contraintes économiques et même de réactions sociales que l’on peut saisir les raisons, bonnes ou mauvaise qui ont fait en sorte que certaines vies humaines, plusieurs infrastructures de santé et de services sociaux furent en proie à de graves situations allant même parfois jusqu’à ce que nous n’aurions su concevoir avant mars 2020, des tragédies humaines comme l’hécatombe d’Herron et de plusieurs CHSLD. Des semaine d’angoisses pendant lesquelles nous regardions tous l’actualité, apeurés devant l’inconnu, voire impuissants… Tous.?.. peut-être pas. 

Un portrait de l’homme et la naissance d’une entreprise

© sanuvox.com

Avant de fonder Sanuvox Technologies, le Dr. Normand Brais fut professeur à l’École Polytechnique de Montréal où il a enseigné et pu «expliquer les choses, parce que plus les gens comprennent, plus ça aide tout le monde» dit-il avec ferveur. L’entreprise fut créée en 1995 faisant suite à 5 années en génie nucléaire où l’étude des radiations, de la lumière et des particules lui a permis de faire le pont vers l’assainissement de l’air par UVC. C’est en fait une connaissance du Dr. Brais qui lui a mis la puce à l’oreille en lui disant qu’ils faisaient déjà de la stérilisation de l’eau par ultraviolets, procédé qui a l’avantage de ne laisser aucun produit chimique tel le chlore, ni aucun arrière-goût. 

Vinrent ensuite les questionnements techniques quant à la faisabilité d’épurer l’air et les surfaces de tous leurs contaminants biologiques, bactéries et micro-organismes en utilisant le même procédé. Les poignées de portes et les endroits que l’on touche fréquemment comme les salles de bains des hôpitaux pourraient désormais être stérilisés d’une bien meilleure façon. C’est en laboratoire que furent résolus les problèmes de surchauffe aux lampes des appareils utilisés au départ pour la stérilisation de l’eau. L’étape suivante fut l’obtention de brevets menant les deux hommes à prendre la décision de « partir une compagnie ». 

Comment furent vécus les premiers résultats? 

Nous sommes alors en 1995 lorsque le Dr. Brais installe le dispositif dans sa propre maison pour immédiatement constater une différence. Cette maison était de construction récente (1989) avec les normes les plus sévères de l’époque, au moment où les échangeurs d’air sont devenus indispensables tellement les maisons étaient étanches. Finalement, dit le Dr.Brais, «on se trouve à vivre comme à l’intérieur d’un sac de plastique». En mettant un appareil ultra-violet dans son système de ventilation qui vient diminuer la charge virale et microbienne de la maison, déjà les odeurs ont changé. Plusieurs d’entre elles viennent de champignons et de moisissures qui proviennent du sous-sol, qui se promènent dans la ventilation. Lorsqu’avec sa femme ils se sont rendu compte que les otites de leurs deux enfants alors âgés de 3 et 5 ans avaient cessé, l’entrepreneur a su qu’il tenait quelque chose de vraiment important.

Au fil des années, Sanuvox a développé une vingtaine de produits différents pour toutes sortes d’applications, allant du résidentiel au commercial, à l’industriel et aux bâtiments tels les tours à bureau et évidemment les hôpitaux, où il y a beaucoup de contamination croisée parce que les gens partagent les mêmes salles de bains, les mêmes chambres, faisant en sorte qu’ils se «partagent» également leurs microbes. Certains de ces appareils sont automatiques et désinfectent les salles de bains à chaque fois qu’elles ont été utilisées par un système d’ultraviolet qui stérilise en 5 minutes toutes les surfaces qui ont été touchées. 

© sanuvox.com

L’effet des UVC

Cette lumière de haute fréquence brise les molécules d’ADN ou d’ARN pour empêcher le micro-organisme de se reproduire. Elle empêche le virus d’être actif. Elle est invisible et plus puissante que l’UVB qui donne un coup de soleil mais ne pénètre pas la peau. Les appareils sont tous conçus de façon à ce qu’on ne voit jamais les lampes UV. Pour la désinfection de surface, il y a toujours des détecteurs de mouvement et même des commutateurs sur la porte de la salle de bain qui arrête l’appareil si quelqu’un ouvre la porte. Donc c’est sécuritaire. «Chaque fois que l’air passe on enlève 99.9% des micro-organismes dans l’air et on obtient de l’air pur au bout d’un certain temps, une fois qu’on a passé tout l’air de la pièce, on obtient une pièce vraiment stérile 

Notre 11 Septembre à nous

Quand la pandémie s’est officiellement imposée dans l’actualité en mars 2020, l’entreprise existait depuis 25 ans et proposait un système intéressant mais «on attrapait la grippe et on était habitué à ça», explique le Dr. Blais. Avec le Covid-19, le monde s’est rendu compte que finalement, il y a certaines bactéries, certains virus qu’on aimerait mieux ne pas avoir dans sa maison. Les gens se sont aussi aperçus que les espaces clos représentaient un risque augmenté de contagion par aérosol. À ce moment précis, les compagnies avec lesquelles Sanuvox faisait affaire dans le passé se sont toutes mises à commander des appareils. Dès lors, ces produits n’étaient plus quelque chose qu’il était souhaitable d’avoir mais un «must» qu’il fallait avoir immédiatement!

© sanuvox.com

Alors une question se pose: où diable étaient donc ces stérilisateurs d’air et de surface où et quand nous en avions besoin, que s’est-il passé?

Essayons de voir ensemble ce qui nous différencie des autres pays. 

Attitude d’attentisme (personnes en postes de décision ayant préféré rester à l’abris de l’horreur de la réalité, tel que vécu dans les CHSLD)

Obscurantisme sur la propagation en aérosol au départ, dû au manque de masques (Santé publique prise au dépourvu)

Peur de créer de fausses impressions de sécurité (refus de certaines école et / ou du gouvernement d’accepter les dons en appareils de La Fondation Jasmin Roy, qui a fait des levées de fond et a ramassé en un weekend au-dessus de 100 000$) et omission par manque d’études, mais surtout de masques, d’informer la population sur les réels moyens de propagation du virus, à savoir l’aérosol. 

Mauvaise décision quant aux achats de compteurs de CO2, «… trop chers alors que c’est une simple petite boîte en plastique de 3 x 4 pouces achetée en Chine pour 50$ et posée au mur avec un velcro, explique le Dr. Brais, à raison d’un par classe et par surcroît mal utilisés en suivant des consignes scientifiques non viables comme de les installer aux bords des portes de classes) et de Plexiglas (quasi inefficaces, ces barrière fictive se retrouvent malheureusement au dépotoir où elles prendront une éternité à se décomposer) 

Bureaucratie trop lente et frileuse au changement

Manque de connaissances du «terrain hospitalier» des décideurs 

Contrainte excessive non justifiée en temps de crise 

Longs processus d’homologations de nouveaux appareils

Bref, ce sont autant de raisons qui nous rendent vulnérables à la contagion dans nos propres institutions, résultant en de trop nombreux décès et malades chroniques, en plus d’engendrer le besoin d’une multitude de suivis et d’interventions médicales nécessaires à la population, encombrant d’autant le réseau de la Santé. Le relâchement envers les mesures sanitaires, visible depuis maintenant quelques semaines, constitue aussi en lui seul un des plus grands dangers pour nos aîné(e)s et notre personnel hospitalier, sans lesquels nous aurons bien du mal à nous «sécuriser» par rapport à ce virus contre lequel nous ne gagnerons pas de la façon où nous l’entendons.  

C’est l’hygiène qui a permis à la population humaine de passer de 1 milliard à 8 milliards, et à l’espérance de vie moyenne de passer de 40 ans à 80 ans. Si on ne fait pas attention à l’hygiène, notre espérance de vie pourrait régresser».

Le docteur Brais est même passé à la notoire et excellente émission scientifique Découverte, de Radio-Canada: «J’ai passé à Découverte en 2020 pour montrer un appareil pour désinfecter les masques, qui a été testé dans l’armée française et qui fonctionnait. Il y aurait eu moyen de passer ça mais à cause du système de fonctionnaires et de bureaucrates, ça ne s’est pas fait». 

Il y a la qualité de l’air et la sécurité de l’air

«Dans les écoles, dans les hôpitaux, dans les bureaux. Parce qu’en respirant, quelqu’un qui est infecté par un virus, le virus se reproduit dans les poumons et dans la gorge et on expire des aérosols dans l’air et on envoie ça. On est tous un peu comme un fumeur qui enverrait sa boucane et l’autre respire cette boucane qui contient ces virus, cet aérosol-là, et ultimement se contamine. 

On vend nos produits partout dans le monde dans les hôpitaux, mais malheureusement au Québec c’est un cas particulier à cause de la bureaucratie et des différents paliers de gouvernement.  Ça fait qu’on commande un produit, et ça peut prendre ensuite 3 ans avant de l’avoir. Quand le produit arrive finalement, dans les hôpitaux il est déjà obsolète. 

Dans les écoles, on a fait des tests à Lyon et avec deux purificateurs d’air, un à chaque bout, et on a été capable de diminuer la probabilité de 90% qu’un enfant en infecte un autre. Au Québec, ils ont dit: on n’a pas d’argent, alors on est allé voir une Fondation. La Fondation Jasmin Roy a fait des levées de fond et on a ramassé en un weekend au-dessus de 100 000 $. Et là, quand on a commencé à vouloir mettre des purificateurs d’air, le Ministère a dit « non pas de purificateurs d’air, y’en aura pas pour tout le monde donc, il n’y en aura pas pour personne.!.». J’ai même parlé à la Commission Scolaire de Montréal et ils ont dit que ça allait créer un faux sentiment de sécurité et ils ont décidé qu’ils n’en voulaient pas. Il y a eu des écoles rebelles où les professeurs ont dit eux-mêmes, nous on va les rentrer nous-mêmes. Deux purificateurs d’air par classe. Un an plus tard, ils nous appellent pour remplacer les filtres et nous disent qu’il y a eu zéro cas de Covid dans leurs écoles. 

Avec la pandémie, on a produit au maximum, on réservait nos appareils pour le Québec mais à cause de l’entêtement de la Santé publique, on les a tous écoulés en Ontario. Ici, il y a de la bureaucratie qui est très, très immobile. Pendant la pandémie, ma fille a travaillé au CHSLD Herron et je lui ai fourni un appareil pour désinfecter les masques. Elle n’avait même pas de droit de l’apporter à l’intérieur, dénonce le docteur Brais». 

«Le bilan du Québec en matière de prévention de pandémie a été plutôt réactif. La Santé publique n’était pas préparée pour la pandémie. On est arrivés là-dedans et c’était la ligue nationale d’improvisation. Les masques, ça sert à rien, tout simplement parce qu’on n’en a pas (des adéquats), les N-95 non plus. Le Plexiglas j’ai appelé ça un placebo. Ça ne sert à rien, l’air passe à côté. 

Il y a plusieurs compagnies de transport publiques qui nous ont appelés mais à cause des coûts trop élevés et des normes, ç’a été abandonné. On a des systèmes qui sont tellement rigides et sclérosés par des normes que ça n’est pas facile d’introduire une nouvelle technologie et de la faire certifier. En Australie leur bureaucratie est moins lourde et on a plus d’ouverture pour la nouveauté. On a beaucoup d’hôpitaux équipés avec nos systèmes en Australie, on a eu un bon succès. 

Au début de la pandémie on pensait que c’était uniquement par le toucher que le virus se propageait et on nettoyait frénétiquement toutes les surfaces à l’Eau de Javel. Finalement ce qu’on a appris avec la pandémie, c’est qu’il y a beaucoup de maladies respiratoires aéroportées. C’est peut-être la plus grande découverte que le monde entier ait faite. Il y a des bactéries et des virus dans l’air. Donc la prochaine étape, c’est d’ajouter des systèmes pour diminuer la contamination biologique. 80% des poussières dans l’air sont des peaux mortes et des cheveux. Ce sont des microparticules de peau humaine et c’est de la nourriture pour les moisissures. Oui, on peut filtrer, mais il y a une limite à la filtration. La prochaine étape c’est d’empêcher d’infecter des humains. 

On a 11 lignes de production, un laboratoire de prototypage, des imprimantes 3D. On n’est pas encore une technologie qui est déployée de manière vaste, mais on a fait assez d’avancées dans ces domaines, on cumule assez de preuves. La pandémie a été notre 11 septembre. On travaille aussi dans les élevages sur la grippe aviaire, l’influenza, mais ça pourrait se transmettre aux humains. Avec les ultra-violets, on peut les éliminer. On veut faire savoir que c’est possible. 

Actuellement le facteur peur de la pandémie est en train de diminuer. Mais il faut faire attention car un virus ça évolue. Les virus, les variants, ça se reproduit toutes les 25 minutes. En un an, un virus équivaut à 450 000 ans d’évolution humaine. L’évolution d’un virus est fulgurante, on ne gagnera jamais cette course-là. Il faut faire attention de ne pas le laisser circuler. Et surtout pas le banaliser. On joue à la roulette russe. Le vaccin est déjà de moins en moins efficace et ils vont sortir une nouvelle version du vaccin pour s’adapter au dernier variant. C’est une course qu’on ne gagnera pas et c’est pourquoi il faut travailler en amont, plus en prévention parce que simplement guérir (de cette pandémie), on va avoir de la misère». 

Bannière principale: © sanuvox.com

À propos de l'auteur

Échos Montréal

Laissez un commentaire