Comme le démontre le recensement de l’immobilier publié par l’Institut de la Statistique de Québec, de moins en moins de jeunes achètent des biens fonciers dans la Belle Province. Plusieurs facteurs, comme l’inflation, la hausse des taux directeurs ou la conjoncture économique rendent l’achat d’une maison pour les jeunes québécois difficile, voire impossible.

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« Si les jeunes n’achètent pas, c’est parce que ça coûte beaucoup plus cher qu’avant » – Jean-Phillipe Meloche

 

Les prix du foncier ont flambé ces dernières années, en particulier depuis 2015. Cela s’explique, selon Jean-Phillipe Meloche, professeur à l’École d’Urbanisme et d’Architecture de Paysage, par le fait qu’il y a trop de demande et pas assez d’offre. Il argumente que les jeunes, sont de ce fait handicapés dans leur course pour devenir propriétaires. Des actifs qui il y a 20 ou 30 ans étaient abordables, sont devenus aujourd’hui des biens de luxe. D’autant plus que pendant longtemps, l’offre ne s’est pas renouvelée et les taux d’intérêts demeuraient bas, ce qui poussait les acheteurs potentiels à surenchérir sur le prix des propriétés les plus prisées. Pour confirmer ces dires, Elodie Bouchard, courtière dans le vieux Montréal, précise que c’est aussi à cause des vendeurs. Ceux-ci ne se rendent pas compte que le marché a changé depuis la fin du covid et refusent de vendre moins cher que leurs voisins. « Ils sont têtus » explique-t-elle.

 

Depuis la fin de la pandémie et avec les augmentations successives des taux directeurs, le marché de l’immobilier plafonne et n’est plus à la hausse, ce qui devrait calmer les augmentations de prix. Pour M. Meloche « Les problèmes principaux sont que nous avons pris du retard en comparaison à la croissance démographique et qu’il manque un bassin d’invendu ».

 

Une disparité entre les salaires et le prix d’une propriété.

 

Le revenu médian des Québécois, après impôts, tourne autour de $ 36 400 alors que le prix de référence d’une maison unifamiliale au Québec est de $ 517 000 soit, plus de 14 fois le revenu annuel médian d’une personne adulte au Québec. Lors d’une conversation téléphonique avec une conseillère Desjardins, celle-ci est très claire, il est impossible pour une personne, seule avec le revenu médian, de se voir accéder un prêt suffisant pour acheter une maison unifamiliale. Pour accéder à un prêt de $400 000 il faudrait gagner au moins $170 000 par an. Elle confie « j’ai dû refuser un prêt de 400 000 à un couple qui gagnait 150 000$ ». La conseillère préfère ne pas être nommée par soucis de confidentialité.

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En dix ans, le nombre de jeunes propriétaires a diminué de 4% et ce malgré des augmentations des salaires. Les prix de l’immobilier ont augmenté en moyenne de 3,5% en 2023 et il est estimé que les salaires moyens ont connu une hausse de 4%. Pourtant, s’imaginer acheter un bien immobilier reste encore un objectif inatteignable pour beaucoup de jeunes travailleurs. Pour cause, le prix moyen de la maison unifamiliale depuis 1986 a augmenté de 310% (121% indexé sur l’inflation) alors que depuis 2006, les salaires n’ont augmenté que de 60% (50% indexé sur l’inflation).

 

Pour Elodie Bouchard l’un des principaux freins concerne les taux d’intérêts. Alors qu’il y a quelques années il était possible d’emprunter sur le long terme à 1.2%, présentement, sur le site de la banque Desjardins, les taux d’emprunts les plus bas restent bien au-dessus de 5%, de quoi refroidir les ardeurs de futurs acheteurs.

 

Une sortie de crise qui peut s’avérer être douloureuse.

 

Pour M. Meloche la situation n’est pas désespérée et il fait remarquer que les marchés sont cycliques. Il rappelle que dans les années ‘80, après d’importantes difficultés économiques, les prix de l’immobilier ont chuté. Les meilleures pistes de solutions selon M. Meloche seraient de fluidifier l’offre, de favoriser la transformation de bâtiments désuets en logements, de créer des leviers pour autoriser des constructions dans des zones géographiques protégées. Il prévient néanmoins que pour que les prix stagnent – ou baissent -, il faudrait entre autres que le Québec soit moins attractif pour l’immigration.

 

À ce sujet, Mme Bouchard souligne que depuis l’instauration du moratoire sur l’immobilier, seuls les Canadiens ont le droit d’acheter du foncier et ce jusqu’à 2026. M. Meloche insiste, pour que les prix baissent, il faudrait que le marché du travail soit moins fluide, une moindre stabilité politique ou une éventuelle récession. En définitive M. Meloche explique : « si on voulait atteindre une phase de surplus, ce serait difficile de l’atteindre sans que quelque chose se passe un petit peu mal en chemin ».

 

Pour Elodie Bouchard même s’il y a un changement de cycle « ça va peut-être baisser mais pas assez, s’il y une baisse, elle ne sera jamais assez grande pour les jeunes aient accès à la propriété, les salaires ne sont pas proportionnels ».

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Échos Montréal

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