S’appuyant sur les manifestations meurtrières au Sénégal depuis 2021, un projet de loi d’amnistie générale est en dialogue à l’Assemblée nationale sénégalaise depuis ce mardi 05 mars. Présenté par le président Macky Sall avec l’objectif d’un « apaisement du climat politique et social », ce texte déchaîne le pays.

Les délibérations à l’Assemblée nationale sénégalaise promettent d’être longues et compliquées. Différents points ne font l’unanimité ni parmi la majorité ni parmi l’opposition.

Source : Google Maps – Assemblée nationale du Sénégal à Dakar

Les conditions discutées d’une « réelle » amnistie

Le premier article du projet de la loi décrit l’amnistie comme « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non ».

« L’amnistie entraîne […] la remise totale de toutes les peines […] ainsi que la disparition de toutes les déchéances, exclusions, incapacités et privations de droits attachées à la peine » précise le deuxième article du projet de loi.

Ce texte offre la possibilité d’une libération de candidats d’opposition tels que Bassirou Diomaye Faye, le candidat officiel du parti dissous les Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef), ou bien Ousmane Sonko, détenu par exemple pour « appel à l’insurrection » ou « diffamation » contre le ministre du tourisme, Mame Mbaye Niang. Mais il est aussi présenté comme « une prime à l’impunité » au sujet de tous les responsables des répressions policières selon Seydi Gassama, le directeur de la section sénégalaise d’Amnesty International. Depuis mars 2021, de violentes manifestations ont causé la mort d’une cinquantaine de personnes. À ce jour, personne n’a encore été arrêté, se révolte le président de la Ligue sénégalaise des droits humains, Alassane Seck.

 

Une date des élections présidentielles encore incertaine

Les Sénégalais espèrent percer le silence qui demeure concernant le report de la présidentielle. Les conclusions des premières conversations ont recommandé que l’élection se tienne le 2 juin.

Macky Sall continue de promettre qu’il se défera de ses fonctions présidentielles le 2 avril, au terme de son mandat.

Les deux mois de battement entre la fin officielle de ses 12 années comme président du Sénégal et la date « promise » de nouvelles élections sèment la confusion. Faut-il craindre un poste vacant jusqu’aux élections pour la situation déjà instable du pays ? Tandis que certains défendent une assise présidentielle permanente de Macky Sall jusqu’à l’installation de son successeur, d’autres y voient un stratagème de sa part pour conserver finalement sa place au pouvoir.

Couverture du livre « Le Sénégal au cœur » de Macky Sall

Difficile à croire si l’on s’en tient à l’article 27 de la Constitution sénégalaise qui stipule que « nul ne peut exercer plus de deux mandats [présidentiels] consécutifs ». Encore une fois, Macky Sall sème le doute : entre sa fougueuse opposition au prolongement du mandat de son prédécesseur Abdoulaye Wade en 2011, sa volonté ferme de briguer son « deuxième et dernier mandat » dans son livre publié en 2019, Le Sénégal au cœur, et ses propos évasifs concernant sa (re)présentation légitime comme candidat. En effet, il justifie, par les dires du Conseil constitutionnel, son « premier mandat […] intangible et […] hors de portée de la réforme [de deux mandats présidentiels maximum] ».

 

L’exemple démocratique le plus stable d’Afrique de l’Ouest mis à mal

Plus qu’une crise politique, c’est d’une crise d’identité que le Sénégal est traversé. Les citoyens s’indignent que la réputation du pays comme l’une des démocraties les plus stables d’Afrique de l’Ouest soit malmenée.

Il est l’unique pays à n’avoir jamais connu de coup d’État militaire. Les passations de pouvoir ont largement été pacifiques, jusqu’à ce mois de février 2024. Première fois depuis l’indépendance du pays en 1960 que le monde est témoin de ce premier retardement d’élection présidentielle.

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Échos Montréal

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