Bonjour Madame Maccarone, comment allez-vous?

Je suis contente de vous accueillir. Merci de vous être déplacés pour venir nous voir. C’est toujours un défi d’accueillir des gens dans notre bureau. Le centre-ville de Montréal n’est pas facile… C’est difficile de rejoindre les citoyens dans le centre-ville. C’est un défi depuis 2018, parce que cette circonscription est particulière, avec ses propres enjeux. Par contre, quand des gens viennent nous voir on dit «bienvenus chez vous», après tout c’est une extension des bureaux de l’Assemblée.

Vous êtes mère de deux enfants, députée aussi, comment avez-vous trouvé du temps pour nous rencontrer?

Oui, c’est vrai. C’est un horaire vraiment chargé. Je réserve mes lundis et mes vendredis pour rester dans ma circonscription. Je quitte Montréal ce soir pour Québec parce que mardi, mercredi et jeudi je suis à l’Assemblée nationale. Typiquement, les autres jours, je suis au bureau ou en rencontres citoyennes. Il y a aussi des activités le week-end… La conciliation entre le travail, la famille et les enfants, c’est ce que j’essaye de faire. Ma fille est ici actuellement. Je propose toujours à me enfants de venir s’ils ne sont pas loin, pour faire leurs devoirs, se relaxer, comme ça je peux faire le trajet avec eux pour rentrer à la maison. Le plus possible, quand je peux, je les emmène avec moi lors de panels ou d’activités. Ce matin, j’ai passé du temps avec des jeunes femmes de 16 ou 17 ans qui ont ou vont avoir un bébé, et bien si mes enfants n’avaient pas été à l’école, je les aurais emmenés avec moi pour les politiser, qu’ils voient quels sont les enjeux et qu’ils comprennent pourquoi ils doivent partager maman les trois quarts du temps avec la population.

 

Comment réussissez-vous à concilier votre vie de famille avec votre vie politique?

La majorité du temps, je ne réussis pas. C’est un échec. Je le savais avant d’embarquer dans une vie politique et puis, je ne suis pas issue d’un milieu politique, ce n’est pas ça qui m’a amenée à l’Assemblée. Fait que je savais que j’allais devoir faire des sacrifices familiaux, mais c’était pour améliorer le sort des familles comme la mienne. Pour aider les gens vulnérables, ceux qui n’ont pas de voix, comme mes enfants, qui sont en situation de handicap. Je trouvais que c’était important de prouver à la population que même les familles comme la mienne, des femmes comme moi, on peut amener notre message à l’Assemblée et porter la voix des citoyens. C’est un compromis, mais ce serait faux de dire que c’est un succès au niveau familial. Ma fille ne veut pas que je parte. Elle me dit «pourquoi tu quittes», et il y a des semaines quand je prends la route où je pleure un peu. C’est difficile. Désormais dans mon deuxième mandat, j’ai décidé de prendre une demi-journée au moins par semaine pour ma famille. Le premier mandat je prenais chaque appel, c’est sérieux. On est que 125 députés, et c’est un honneur d’occuper ce poste, d’autant plus que c’est que pendant quatre ans… Tu ne sais jamais si tu vas être réélue ou bien si tu souhaites briguer un autre mandat, parce que c’est dur. Plus de 50% des députés sont divorcés, parce que c’est dur sur le corps, le cerveau et bien sûr la vie familiale. Alors depuis, j’essaie de me prendre le dimanche. Si je n’ai pas d‘activités, je ferme mon téléphone, ne regarde plus les nouvelles et j’en profite pour passer du temps avec ma copine, mes enfants, pour nettoyer ma maison.

 

Avoir des enfants vous a déjà freiné ou au contraire c’est une force?

Oui, j’ai longtemps hésité à entrer en politique. Le parti libéral a cogné à ma porte pendant trois ans avant que j’accepte. Puis j’ai eu une conversation avec mes enfants, au niveau de leur compréhension, ce qui m’a donné de la force. À l’Assemblée, tout le monde connaît Samuel et Bianca. Je parle beaucoup d’eux. C’est ma façon de garder un contact et je trouve que c’est une force en tant que femme, en tant que maman. Je fais le choix de prendre tout mon bagage avec moi, du bon bagage, qui définit mes orientations et ce que je souhaite accomplir. C’est une force, mais c’était un frein au début.

 

Comment agissez-vous pour rendre la vie de vos enfants meilleure au Québec en évitant les stigmates?

C’est une longue question, comme une autre entrevue à part ! C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à m’engage. J’ai commencé par œuvrer au sein de leur école, en commission scolaire en étant présidente du conseil d’établissement, puis du comité de parents, puis on m’a demandé d’être présidente de la commission scolaire, puis on m’a demandé de devenir présidente de toutes les commissions scolaires anglophones du Québec. C’était important pour moi de porter la voix de mes enfants. Je voyais que mes enfants étaient pénalisés à cause de leur handicap. Quand Samuel a été diagnostiqué, on m’a dit qu’il allait rester en couche, qu’il serait non-verbal, qu’il n’irait pas à l’école et que je devrais penser à un placement sur le long terme. Notre société aime les étiquettes, souvent pour comprendre, mais ça nous limite, parce qu’on dit souvent : «vous ne pouvez pas, parce que vous êtes sur le Spectrum de l’autisme» au lieu de dire «vous pouvez». Il faut voir la personne et non l’étiquette, sinon c’est de la stigmatisation. C’est comme si je disais «parce que vous êtes un homme, vous n’êtes pas capable». C’est la même chose. Mes enfants vont à l’école. Mon fils est à l’université, dans un programme adapté. Ça peut prendre plus longtemps, mais il est là. Il va peut-être sortir sans diplôme, mais pour l’instant il y est et il est bien. Il est valorisé. Il parle ouvertement en disant «je suis un militant pour la cause des personnes autistes». Il veut que les gens voient la personne et non le diagnostic. On a du chemin à faire à l’Assemblée nationale, surtout en ce qui concerne la transition de l’âge mineur au majeur pour les personnes en situation de handicap, en particulier lorsqu’on parle de neurodiversité. Parce qu’aujourd’hui une fois que t’as 18 ans, il n’y a plus de diagnostic et il y a un désert de services. Il faut s’en occuper quand ils sont jeunes, après ils deviennent une responsabilité civile de tous quand ils sont adultes.

 

Comment est née Jennifer Maccarone, la politicienne?

Quand mes enfants ont commencé l’école, ils ont commencé plus tard et pourtant, je n’étais pas prête à lâcher prise. Mes enfants, qui faisaient 40 heures de thérapie par semaine, ont fait beaucoup de rencontres toutes les fins de semaine. Mon sous-sol était devenu un laboratoire de thérapies d’interventions comportementales intensives (ABA, en anglais)… Je n’étais tout simplement pas prête à couper le cordon, ce qui m’a emmenée à m’impliquer. J’étais probablement la maman fatigante *rire* ; ce qui a porté ses fruits. Parce que moi, ma vision, c’était de les accompagner. Puis, j’ai monté l’échelle sans vraiment le vouloir. Ce n’était pas souhaité ; je suis encore surprise d’être députée à l’Assemblée nationale. Ce n’était pas un rêve pour moi de faire ça. Moi, je n’étais qu’une maman avec une mission pour le bien-être des enfants vulnérables. Je viens d’un milieu communautaire. Ma mère était infirmière, mon père est ancien policier. Fait que c’était normal pour moi de m’impliquer, j’ai été élevée dedans. Chaque fois qu’on me demandait de me présenter pour un rôle, j’avais toujours une réticence. Je me disais : «pourquoi moi? Je suis bien là». D’autant plus que c’était tout du bénévolat et comme j’avais mon entreprise de com’ et de marketing, j’étais bien. Je ne cherchais pas un changement, mais après trois ans de demandes, c’est là où j’ai dit «oui». Je me suis dit que j’allais faire un mandat de quatre ans. Aujourd’hui, même si c’est difficile [la politique], je suis comblée et je me sens à la bonne place. J’adore mes citoyens. J’ai des dossiers passionnants. J’aime beaucoup mes collègues, des deux côtés de la chambre… De toute façon, ce n’est pas un rôle que l’on fait pour le restant de notre vie. En plus, c’est dur, surtout en 2024.

 

Pourquoi représenter Westmount-Saint Louis? Est-ce que c’était votre volonté?

Non, pas du tout. Ce n’est pas moi qui aie choisi. Dans le fond, il y avait des comtés disponibles. J’ai passé 6 entrevues ici, avant de devenir la députée choisie par l’Association libérale de Westmount-Saint Louis. Ils m’ont présenté comme leur candidate de choix. Après cela, il y a eu mon investiture avec la signature de mon bulletin par le ministre. Fait que je me suis présentée en élections.

Westmount-Saint Louis. Je n’habite pas la circonscription, mais c’est celle que je connaissais le plus parce que j’avais étudié, travaillé ici. Fait que je connaissais bien le centre-ville de Montréal. J’avais déjà vécu quelques années dans la bordure de Westmount. Fait que je connaissais bien aussi le terrain. Si je peux me permettre de dire ça, parce que le centre-ville de Montréal est toujours en évolution. C’est pas aujourd’hui, v’la comme c’était il y a 5 ans.

Vous avez ressenti une différence avant et après pandémie?

100%. Beaucoup moins de monde. C’est plus fragile, côté économiquement. Avant la pandémie, on avait un centre-ville qui était quand même robuste. On avait beaucoup de gens qui œuvraient, qui circulaient. Là, j’ai vu vraiment une grosse différence. Les fermetures de boutiques, d’entreprises, de restaurants. C’est phénoménal. On avait beaucoup plus de choix autour de nous. Oublie ça. C’est vraiment restreint, c’est pas comme c’était avant. Il y a beaucoup moins de gens. Même notre bâtiment est plus tranquille. On partage les lieux avec le Consul général des Etats-Unis qui ont les 3 premiers étages. C’est pour ça qu’il y a toutes sortes de sécurité autour du bâtiment.

Quelles sont vos priorités quant à votre circonscription?

Ouf, il y en a plusieurs. Il faudrait que je fasse des choix? Okay. Un de nos premiers dossiers prioritaires : on n’a pas d’école. Nous avons zéro école publique primaire ou secondaire au centre-ville. Zéro. On a F.A.C.E. Mais c’est un projet particulier : un partenariat entre la Commission scolaire anglophone et francophone. C’est beau. C’est unique. Il y a seulement deux projets comme ça sur l’ensemble de la province, mais ça reste un projet particulier qui n’est pas désigné pour mes résidants. Tu dois postuler si tu veux que ton enfant fréquente cette école. C’est une école plus désignée pour les Arts. Ce sont des enfants doués ou qui ont un intérêt profond dans les Arts qui vont fréquenter cette école. Les enfants qui vivent au centre-ville… Mettons, tu vis au centre-ville, tu fais probablement le choix de ne pas avoir d’auto. Puis eux, ils doivent embarquer sur un autobus pour minimum une heure pour se rendre à l’école. Ça n’est pas normal.  Fait que ça, c’est une grande priorité.

Evidemment, la crise de logement nous affecte fondamentalement ici. Surtout qu’on a le plus haut niveau d’itinérance de la province du Québec : 50% de l’itinérance, c’est chez nous. Fait que la crise du logement, c’est aussi un enjeu fondamental pour nous.

J’ajouterais que tout ce qui est économique, ça nous frappe beaucoup aussi ici. Il faut travailler pour attirer des commerces et le milieu d’affaires pour qu’ils arrêtent de nous quitter. On veut que ça fonctionne bien.

Puis, quand je parle de crise de logement, et je mentionne itinérance. Itinérance en général, de faire un accompagnement de ces personnes avec du logement adapté pour eux. Ça n’est pas la même affaire que quelqu’un qui se retrouve sans logement abordable. Ce sont des personnes souvent qui souffrent de problèmes de toxicomanie, de santé mentale. Faut s’occuper de ces personnes. Puis aussi, spécifique à Westmount-Saint Louis, quand on parle du plus haut niveau d’itinérance dans la province : l’itinérance autochtone-inuit. On a 12 refuges chez nous. Les gens ne voient pas ça. On ne parle pas de ça.

J’ai 5 universités : le plus haut taux d’étudiants à travers tous les comtés. 5 universités et 2 CEGEP, c’est pas n’importe quoi.

Ce sont des enjeux fondamentaux de base, mais tellement importants. On a de plus en plus de familles qui s’installent ici. On a aussi le YMCA sur Stanley qui va fermer. C’est malheureux. Ils vont vendre le bâtiment parce que c’est rendu trop coûteux. Mais encore une fois, il faut se mettre à la position des familles qui vivent ici. T’as pas de gazon, t’as pas de cours, t’as un petit balcon. C’est leur milieu de vie là. On a besoin de ça. C’est essentiel. Mais s’ils ferment leurs portes, j’ai aucune idée où l’on va déplacer ça. C’est comme un autre enjeu local dont on doit s’occuper, et c’est urgent. Vraiment.

Puis les financements pour tous nos organismes communautaires, on en a 2 000 juste chez nous. Le financement pour eux est urgent. Je fais régulièrement des appels de demande auprès de mes collègues du gouvernement et auprès de la Ministre responsable de l’action communautaire, parce que moi, j’ai très très peu d’argent que je peux utiliser pour les aider. Je suis pénalisée même, à cause des réseaux sociaux économiques…

Mais on ne prend pas en compte toutes les personnes qui ne sont pas recensées, les personnes en situation d’itinérance. On a le plus haut taux de nouveaux arrivants, de demandeurs d’asile. C’est très complexe comme comté.

Est-ce que vous direz que ces priorités sont similaires aux luttes qu’il faut mener à l’échelle du Québec 

Oui, mais ça dépend. Ça n’est pas partout qu’ils ont besoin d’une école. Ça, je dirais que c’est spécifique à nous. Tout le monde parle de l’enjeu de l’itinérance, mais moi, j’ai quand même le Carré Cabot et Milton Parc. Personne d’autre n’a les mêmes enjeux que nous. Par exemple, Milton Parc qui est adjacent à l’ancien Hôtel Dieu, qui a 183 lits désignés pour les personnes vulnérables en situation d’itinérance pour les aider à aller à une deuxième étape d’hébergement. C’est spécifique à nous.

Après il est clair que la crise du logement, l’enjeu de l’itinérance, l’action communautaire pour aider les organismes locaux sont des enjeux partout pour tout le monde. L’éducation et la santé aussi. Même si nos enjeux restent un peu différents, comme je ne vous parlerais pas de pêcherie ou de foresterie ici… J’ai toute à part de ça *rire*!

On voit bien que vous accordez une grande importance à l’éducation, je voulais vous demander de nous parler plus amplement du Projet de loi n°398 que vous avez porté.

Les enfants en situation d’handicap. Dans le fond, je suis très fière du dépôt de ce projet de loi qui n’a qu’un article. C’est très facile. Puis, je suis déçue que le gouvernement n’a pas fait le choix de l’intégrer dans leur Projet de loi 23 qui est maintenant adopté. Ils auraient pu parce qu’ils parlaient d’une refonte du système scolaire. Puis ce projet de loi parle explicitement d’aider les enfants qui sont exclus contre le grès des familles des réseaux scolaires. Ce qui arrive de plus en plus : les réseaux scolaires ne sont pas adaptés/ équipés pour prendre soin des enfants avec une grande vulnérabilité. Alors, ils vont appeler les parents et leurs dire «viens ramasser ton enfant». Fait que c’est une exclusion scolaire qui est forcée. Ça fragilise les familles. Malheureusement, majoritairement, ce sont les mamans qui restent à la maison. On en est toujours là, malgré qu’on soit en 2024. Elles doivent rester à la maison, ne peuvent pas aller au travail. Il y a un impact sur le revenu familial, sur la santé mentale. Puis l’enfant n’est pas scolarisé. Ils envoient une aide de 30 minutes par semaine de scolarisation. Mais un enfant avec de grandes vulnérabilité, ça n’est pas comme cela qu’on devrait le traiter.

La raison de ce Projet de loi, c’est que… Je comprends qu’on ait des enjeux scolaires, j’ai œuvré dedans pendant 12 ans. Je sais que ça n’est pas facile. Et je sais que c’est pas parce que nos professeurs, nos enseignants ne sont pas bons. C’est pas ça là ! Ils font face à des difficultés. Mais si on doit exclure ces enfants du réseau scolaire, envoyez leurs les mê mes ressources qu’ils auront s’ils étaient à l’école. Trouvez les moyens pour aider les parents, pour aider l’enfant. Parce que ce que l’on souhaite, c’est une réintégration. Le plus longtemps qu’ils sont ségrégés de l’école, le plus difficile ça va être de les réintégrer et sur les épaules des familles. Il faut penser la réalité familiale. C’est pas correct. Fait que je suis très déçue qu’ils n’ont pas mis ça en place parce que c’est quelque chose qu’on aurait pu faire qu’ils ont fait le choix de ne pas faire. Puis c’est une réalité budgétaire. Mais on a trouvé 2 milliards de dollars pour le Stade Olympique et 7 millions de $ pour la venue des Kings, mais on n’a pas trouvé d’argent pour ça. C’est un non-sens pour moi. Les enfants sont les victimes du système. Ça me brise le cœur parce que je sais qu’on pourrait trouver des solutions, mais on ne met pas notre épaule à la roue pour le faire. On fait des choix. Des mauvais choix.

Vous avez dit dans l’annonce de votre programme de bourses d’études, «croire sincèrement que c’est en investissant dans les étudiants que le Québec investie dans son avenir», est-ce que vous avez un message à leurs confier?

J’espère qu’ils vont s’inspirer et s’impliquer au niveau politique, puis qu’ils vont voir ce qu’il se passe au niveau de leur comté, mais aussi locaux. C’est très important. Tu sais, la bourse de la députée de Westmount-Saint Louis existe parce que l’éducation est la clé de tout. Il faut être éduqué pour savoir qui nous sommes comme communauté, comme membre, comme citoyen. Il faut s’inspirer entre nous. Et il faut être éduqué aussi pour savoir ce qu’il se passe. Fait que de continuer leurs études, ça c’est très important. Je leurs demande de ne pas lâcher prise et de persévérer parce qu’aujourd’hui, c’est difficile d’être jeune dans ce monde complexe de réseaux sociaux.

C’était pour ces raisons, et aussi parce qu’on a envie d’inspirer les gens de suivre un peu ce qu’il se passe au niveau politique. Tu sais, il y a plein de gens, à travers le monde, qui perdent la vie pour leur droit de vote. Nous, on a ce privilège. Et on fait ça d’une façon non-partisane. Je dis pas ça parce que oui, je suis membre du Parti libéral… Venez nous voir ! On a le comité de citoyens, le comité de jeunes. Viens t’impliquer et vois qu’est-ce qu’il se passe dans le comté.

La politique ça peut être intéressante voire excitante même. Puis toi, ta voix compte. Chaque voix compte. Je dirais «be the change you wanna see». «Sois la représentation du changement que tu souhaites voir toi-même». Pour le faire, il faut faire un premier pas et c’est celui que j’essaie d’encourager. Viens nous voir. Veux ou ne veux pas, toutes les décisions qui sont prises à l’Assemblée nationale, les bonnes, les moins bonnes, les pires vont avoir un impact sur toi. Fait que t’es mieux de t’investir un peu, essayer de comprendre et d’exercer ta voix en votant, en t’impliquant, en t’informant.

Est-ce que votre vous plus jeune aurait aimé avoir ce premier pas que vous offrez aux jeunes?

Oui ! C’est un excellent point. Je n’ai jamais pensé à ça, mais oui. Parce que dans le fond, on ne parlait pas de ça. C’était pas sexy la politique. Les politiciens, c’était une autre époque… Ils étaient moins rapprochables et je ne les connaissais aucunement. Le premier politicien que j’ai vraiment connu, c’était Thomas Mulcair. Pourquoi ? Parce que c’était mon député, puis je lui avais envoyé des lettres comme citoyenne. Je lui disais : «moi, mon enfant est privé d’un accès aux services. Il est autiste et il a besoin de votre aide. Organisez quelque chose pour moi parce qu’il n’y a ni service, ni financement pour moi. Il va falloir que je me démêle toute seule». [J’ai tout organisé, j’ai réhypothéqué ma maison 3 fois pour payer pour la thérapie de mes enfants. C’est pas tous les parents qui peuvent faire ça, tu sais. Je vais avoir fini de payer la thérapie de mes enfants, j’aurais 80 ans. Mais c’était la meilleure décision que j’ai prise dans toute ma vie.] C’était la première fois que j’avais une communication avec un député ; je ne savais pas c’était quoi dans le fond. Il faut le démystifier. C’est pour ça que je demande toujours à aller dans les écoles. Je dis tout le temps «je suis ici pour donner un certificat, une bourse. Mais invitez-moi pour faire un cours de civique d’une heure». Je souhaite rester avec les jeunes que ce soit maternel jusqu’à secondaire 5. C’est important pour qu’ils comprennent. Puis, tu sais, un p’tit jeune de secondaire ou de maternelle, il faut lui expliquer un vote : «est-ce que tu souhaites aller au cinéma ou manger une crème glacée? On va voter et on va voir qui va gagner». C’est comme ça que les gens choisissent leur.s représentant.e.s. C’est important de commencer de base. Donc c’est vrai oui que j’aurais aimé que quelqu’un m’en parle. On n’en parlait aucunement dans mon temps.

Nous avons remarqué votre présence comme représentante de l’Assemblée parlementaire de la francophonie à la 17e session du Comité intergouvernemental de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles (UNESCO) : quelles sont vos priorités sous la casquette de représentante de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie?

Quand on parle de la diversité culturelle, de la mobilité des artistes. On fait face à beaucoup de difficultés, surtout dans nos pays d’Afrique. C’est d’une grande importance pour partager la culture et la favoriser.

L’intelligence artificielle, aussi. On a de grandes préoccupations quant à ça car il va y avoir des impacts. Puis quand on parle d’intelligence artificielle, il ne faut pas oublier que l’accès à internet n’est pas donné à tout le monde. Quand on parle de l’Assemblée parlementaire de la Francophonie, on a beaucoup de pays en développement. Fait que, qu’est-ce que nous nous pouvons faire en accompagnement pour favoriser la promotion et la protection de la langue française ? Je suis ça comme francophile parce que je trouve important que la majorité se mobilise pour la protection de la minorité. C’est avec une grande fierté que je porte ce chapeau, parce que je veux travailler main en main pour aider cette communauté et ces populations à faire la promotion de la diversité culturelle. Je dirais que ça c’est en grand, les plus grosses priorités que nous avons actuellement : la mobilité, l’intelligence artificielle, l’accès à internet, mais aussi comment nous allons supporter les plus petits projets et le partage d’informations.

Moi, je siège sur la Commission de culture, éducation et diversité. Alors, à l’intérieur de ce comité, je partage aussi mon projet de loi comme l’inclusion scolaire. C’est moi qui aie emmené le dernier mandat qui parle de l’inclusion scolaire. Alors, j’ai rencontré les sénateurs français pour parler de ce que, eux, ils ont fait en termes d’accompagnement des élèves en situation d’handicap. Fait qu’on parle beaucoup de ça.

Je suis aussi la reporter pour le sida, le paludisme. C’est un enjeu mondial et l’Assemblée parlementaire de la Francophonie s’en préoccupe. Il faut démystifier et se préoccuper à un rehaussement de la population qui est affectée. On devrait mettre fin à ça d’ici 20-30 ans. Malheureusement, on ne finance pas le prEP [traitement préventif pour les personnes très exposées au VIH]. Le prEP est tellement important. C’est pas un enjeu LGBT. C’est un enjeu dans les pays d’Afrique qui affecte les femmes, les enfants. Qui affecte tout le monde. Donc, faut arrêter de stigmatiser ces enjeux et parler ouvertement de ces affaires collectivement pour mettre fin à ce diagnostique et ce problème de santé dans le fonds.

Mais l’Unesco, c’est vraiment un privilège d’y aller annuellement. Je prends la parole au nom de l’Assemblée parlementaire francophone. C’est nous, le Québec, qui allons recevoir une cohorte le mois de mai. On est très fiers de ça, on a hâte à faire la promotion de notre Assemblée nationale dont l’agora a été récemment rénovée. Venez-nous voir, c’est vraiment vraiment beau!

Quelles sont les forces de la Francophonie?

Le dialogue, les lois, la promotion, le financement. Ça prend de l’argent. Il faut accompagner ceux qui sont en situation de vulnérabilité. Il faut aussi avoir des lois en place pour favoriser un accès, puis un accompagnement. C’est aussi un levier politique. Pour protéger la langue, il faut des lois.

Avez-vous quelque chose à rajouter?

Honnêtement, j’ai vraiment de la chance d’avoir eu cette opportunité. Je recommande fortement de s’engager politiquement aux personnes qui ont déjà une vie. Aux jeunes qui souhaitent briguer des mandats, je leurs dis de faire attention parce que ça peut t’empêcher de faire des choses, comme avoir une famille. C’est un peu un frein à la vie. Aussi, je trouve que j’ai une circonscription qui m’amène toute sorte de défis, que mes autres collègues n’ont pas. Comme par exemple à Westmount-Saint Louis, on a le deuxième plus faible taux de participation aux élections après Ungava, alors qu’ici tout est proche, tandis qu’à Ungava, ils doivent peut-être aller voter en avion *rire*! En plus, sur nos 50 000 électeurs, on en a probablement plus de 12 000 qui ne sont pas recensés et les gens ne sortent pas pour voter. Ça s’explique peut-être par le fait qu’il y ait beaucoup d’étudiants, qui louent à des électeurs qui, eux, vivent dans leur résidence secondaire. Pour motiver les gens, on réfléchit à autoriser le vote en ligne, mais ça pose des préoccupations légitimes sur la sécurité. Il faut voir… Moi, je suis pour un projet pilote ; pourquoi pas voter en ligne et aller sur place puis faire une comparaison. Surtout, il faut que les gens sachent que leur vote n’est pas inutile, que chaque vote vaut pour 1,87$. Alors même si ton candidat n’a pas gagné, il sert à quelque chose.

C’est peut-être un désenchantement?

Oui, le public est désenchanté, mais les élus aussi. Sur les réseaux sociaux, je fais très attention, surtout en tant que femme de la communauté LGBTQ+ lorsque je poste sur X. Parce que maintenant, si je tweete quelque chose, c’est 250 commentaires de haine ; ce qui me fait peur. J’y pense souvent le soir. Heureusement, j’ai une équipe extraordinaire qui me protège un peu de ça. Alors, non seulement il faut encourager la population, il faut aussi protéger les politiciens.

Regardez, la mairesse de Gatineau a démissionné… C’est définitivement plus difficile pour les femmes et c’est très dur pour la santé mentale, même si on sait que c’est 0,1% de la population. Ces 0,1 % qui sont très vocaux. Où est le reste? Les gens qui laissent de bons commentaires et encouragent, où sont-ils?

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Échos Montréal

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