Michel T.

 

Avec les aléas présents du Marché du Travail et les péripéties engendrées par les négociations syndicales difficiles de l’Automne dernier, la date prochaine du 1er mai, Fête des Travailleurs revêtira tout à la fois un caractère paradoxal et une importance très actuelle.

Mais qu’en est-il de cette date plus spécifiquement ? Faisons un brin d’histoire pour en retracer l’origine.

C’est suite à la 1ère Exposition universelle de Paris en 1889 que le 1er mai fut choisi en tant que Journée internationale des travailleurs. Ces années dures étaient marquées par plusieurs luttes ouvrières à travers le monde et on voulut ainsi faire le lien avec les incidents ayant causé notamment plusieurs morts à Chicago et à Milwaukee.

 

Un patronat surpuissant

 

Il faut savoir que l’ouvrier du 18ième siècle n’avait droit qu’à peu de considération alors que la classe bourgeoise, très dominante, en exigeait toujours plus, imposant des journées de 15 heures et instaurant des conditions de travail exécrables qui engendrèrent beaucoup d’accidents, souvent mortels. La moyenne de 12 heures par jour qui prévalait à l’aube du 19ième siècle était en effet considérée comme insuffisante par le patronat surpuissant de l’époque. Plusieurs stratégies assez vicieuses furent ainsi mises en place par celui-ci, incluant une augmentation momentanée pour inciter les employés à des heures supplémentaires, augmentation qui fut ensuite promptement abolie tandis qu’on continua à exiger des employés les deux-trois heures de travail en surplus.

Toutes les tentatives d’organiser le mouvement ouvrier étaient toujours compliquées à l’extrême, par une pression patronale incessante, où les employeurs utilisaient sans vergogne les menaces de licenciement et les tactiques de manipulation de certains leaders de l’époque. Pensons entre autres à Samuel Gampers qui, après avoir appris l’Allemand et adopté les doctrines de Karl Marx se fit tout bonnement acheter par le patronat. Il convient ici de souligner le climat d’instabilité sociale qui régnait en parallèle, en raison du contexte de crise économique mondiale de 1857; de la guerre civile de 1861 aux États-Unis, en prise avec l’esclavagisme; ou encore le soulèvement de la Commune de Paris en 1871. (Nous vous invitons à voir les excellentes capsules de cours vidéos sur Youtube de Feu le Professeur Henri Guillemin, un remarquable historien et pédagogue).

 

Le massacre de Chicago

 

Cette métropole américaine, qui était devenue au cours des 17ième et 18ième siècles un centre stratégique industriel avec un pourcentage de 40% de main-d’œuvre qualifiée constituera au 19ième siècle le noyau d’un mouvement de grève qui prendra de l’ampleur dans tous les États-Unis et dans le monde. Des villes américaines comme Boston, Milwaukee, Pittsburgh Louisville Jersey City et San Francisco s’allieront pour la 1ère fois alors que quelque 20 000 gréviste s’uniront dans le cadre d’une grève de trois jours. Le 3 mai, le patronat, de connivence avec la police de Chicago, répliqua avec sa stratégie de répression habituelle, soit de mâter le monde ouvrier. Pour ce faire, on fit carrément appel à la Garde Nationale et à l’Agence Pinkerton. Le choc devint inévitable et brutal, et c’est ainsi que, à la suite de manifestation regroupant plusieurs milliers d’ouvriers, la police commença à faire feu, tuant six personnes et faisant une cinquantaine de blessés.

Bien que ces excès de violence eurent pour effet de faire fléchir plusieurs patrons, la violence n’en continua pas moins de plus belle à Milwaukee causant deux autres morts et plusieurs blessés

Cela fut ultimement suivi d’un attentat à la bombe sanglant, qui tua huit agents, fit 48 blessés et amena en représailles la pendaison de quatre manifestants… contre lesquels on n’avait par ailleurs au demeurant pas la moindre preuve concrète de culpabilité!

C’est par la suite qu’une majorité de pays, qui avaient eux aussi vécu leur lot de confrontations ouvrières-patronales, décidèrent de commémorer ces tristes évènements en désignant symboliquement le 1er mai « Journée internationale des Travailleurs ». À noter qu’il toutefois qu’il en alla autrement aux États-Unis, sur lesquels s’est également enligné le Canada, notamment pour des raisons idéologiques car les puissants syndicats nord-américains ne souhaitaient pas s’amalgamer à leurs homologues européens, jugés trop marxistes.

De sorte qu’avec l’aval de la puissante Association des Cigariers, le patronat américain, parvint en effet en 1882 à détourner l’événement pour la date du 1er septembre, y incorporant un défilé et nommant cette fête spéciale le Labor Day, soit Fête du Travail.

Source : remerciements entre autres au Centre d’Histoire de Montréal pour ces nombreuses sources sur le sujet, ainsi que pour le mini-bouquin « Le 1er mai, fête internationale des travailleurs » de l’auteur Claude Larivière.   

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Échos Montréal

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