Depuis le 28 avril dernier, le Site historique Marguerite-Bourgeoys situé dans le Vieux-Montréal offre à la population une exposition temporaire unique en son genre. Intitulée «Religieuses, enseignantes et… scientifiques !», cette dernière met en lumière la contribution des femmes religieuses dans le domaine des sciences depuis le 19e siècle, déboulonnant ainsi les mythes selon lesquels ce milieu était exclusivement réservé aux hommes et voulant que les congrégations religieuses féminines ne contribuaient pas à la création et la diffusion de connaissances scientifiques.

Étudier plus que la Bible

Le directeur du Musée Marguerite-Bourgeoys, Jean-François Royal, explique qu’il y avait un intérêt pour créer une exposition sur ce sujet depuis un bon moment. «On voulait collaborer depuis longtemps avec le Musée des Ursulines et mettre les religieuses des deux congrégations au premier plan. Ça ne nous tentait pas de parler de l’enseignement des arts plastiques ou de l’entretien ménager parce que c’est des sujets ordinaires. On savait que les deux communautés ont enseigné les sciences et on a exploré ce filon à fond et ça a donné cette exposition», explique-t-il.

Jean-François Royal renchérit en spécifiant qu’ils ont découvert beaucoup de choses en montant l’exposition, notamment au chapitre de la concurrence entre établissements scolaires de différentes confessions religieuses. «La compétition entre les écoles pour attirer les élèves était présente même à cette époque. À Trois-Rivières, des parents menaçaient d’envoyer leurs enfants aux écoles protestantes pour qu’ils puissent bénéficier de la qualité de leur cursus, ce qui a obligé les Ursulines et les autres congrégations catholiques à adapter leur enseignement pour pouvoir être compétitives avec les autres institutions», précise le directeur du Musée à ce sujet.

Pour demeurer compétitives, ces femmes voyageaient en Europe pour recevoir l’enseignement de scientifiques reconnus ou faisaient venir ces derniers dans leurs congrégations afin de recevoir des formations à la manipulation d’instruments et des cours théoriques. Ceci dément au passage le mythe selon lequel les religieuses étaient cloîtrées dans leurs couvents à perpétuité. «Ces femmes étaient ouvertes sur le monde et étaient avant-gardistes. Elles avaient l’excellence pour l’éducation à cœur bien avant les années 1960 et […] certaines ont pu faire des carrières dans des disciplines comme la botanique, l’astronomie ou la chimie pour ne nommer que celles-là», ajoute Jean-François Royal.

Il est possible de constater aussi dans l’exposition la présence physique d’outils et de schémas scientifiques expliquant les recherches faites par les religieuses des deux congrégations, attestant de leurs compétences. De plus, il est possible de lire sur place de nombreux travaux de recherche réalisés par des étudiantes de l’époque. Le directeur du Musée souligne que la présence de ces outils au Musée offre la chance au public de jouer à plusieurs jeux, dont un d’association où les visiteurs doivent deviner leurs fonctions scientifiques.

Toujours présentes

En plus de mettre le rôle des religieuses dans les sciences à l’avant-plan, l’exposition révèle que les congrégations de Notre-Dame et des Ursulines ont grandement milité pour l’accès des femmes aux études supérieures. Jean-François Royal est d’avis qu’il ne faut pas négliger cet apport, spécifiant que l’exposition s’attarde aussi à l’intégration lente et ardue des femmes dans les milieux scientifiques jusqu’aux années 1960.

Lors de la visite, il est possible pour les gens de jouer notamment à un jeu quiz où ils répondent à des questions comme si chacun est une femme du début et du milieu du 20e siècle. Le directeur du musée explique avec humour que peu importe les réponses du public à ce quiz… les gens finissent toujours femmes au foyer malgré leurs résultats! Ce jeu consistait à faire comprendre à l’auditoire que les possibilités d’avenir des femmes à l’époque étaient très peu diversifiées malgré leur présence continue dans ce domaine et qu’elles étaient cachées par une société qui n’était pas prête à les voir dans ce milieu. 

«On voulait sensibiliser les gens à se dire que l’ouverture doit être plus large et plus inclusive. Dans l’exposition, il y a plusieurs instruments scientifiques très curieux qui étaient à l’époque à la fine pointe de la technologie. On entendait souvent les gens dire: je vais emmener mon gars les voir. On voulait plutôt dire à ces gens : emmènes ta fille, les femmes aussi aiment les sciences», explique Royal sur l’importance de l’ouverture des domaines scientifiques aux femmes.

L’exposition prend aussi soin de montrer que la présence féminine est toujours timide dans plusieurs disciplines scientifiques tout en offrant des témoignages de plusieurs femmes et leurs carrières, notamment la volcanologue Julie Roberge, pour montrer au public féminin qu’il est possible de faire carrière dans ces domaines.

L’exposition, débutée le 28 avril 2022, termine sa tournée au Site historique Marguerite-Bourgeoys le 10 avril 2023 avant de déménager au Musée des Ursulines de Trois-Rivières. Le Site historique permet au public, au-delà de l’exposition temporaire, de visiter la chapelle et son exposition permanente sur Marguerite-Bourgeoys. À partir du 24 juin, il y aura la possibilité de faire une visite archéologique des fondations de la chapelle, événement à ne pas manquer!

Bannière principale: © Courtoisie

À propos de l'auteur

Échos Montréal

Laissez un commentaire