Projet Montréal, le Parti qui promettait une ligne rose en 2017 et 60 000 logements abordables en 2021 devra composer avec une STM affaiblie et une crise du logement en 2023. 

Les premières semaines de 2023 ont été difficiles pour la Société de Transport de Montréal (STM), on a appris la fin du service d’autobus «10 min MAX», un déficit de 78 millions et une hausse considérable du nombre de plaintes.

Pour le logement abordable, la situation n’est pas plus rose ; la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) rapportait en janvier que la hausse de 5,4% du loyer moyen, mesurée entre 2021 et 2022, pour les appartements de 2 chambres était la variation de prix la plus forte en 20 ans.

Le plan de la Ville face à la crise du logement

Robert Beaudry © Courtoisie

En entrevue avec Échos Montréal, Robert Beaudry, conseiller de la Ville de Montréal dans Ville-Marie et membre de Projet Montréal, divise le plan match de la Ville dans sa lutte pour le logement abordable en trois parties.

Premièrement, préserver l’abordable. Pour ce faire, la Ville compte, entre autres, sortir certaines habitations du marché, lutter contre les Airbnb ou encore contrer les rénovictions. Deuxièmement, «on veut se donner les moyens en finançant l’initiative». Il donne l’exemple de subventions pour acquérir des terrains et bâtiments ou encore la participation de la Ville à des montages financiers qui assurent l’abordabilité sur le long terme. Troisièmement, créer; «On appuie la construction de nouvelles unités, donc des nouvelles initiatives d’organismes communautaires ou de GRT [entreprises d’économie sociale vouées au développement de l’habitation communautaire]».

Un 60 000 qui laisse le FRAPRU en suspens 

Catherine Lussier, organisatrice communautaire au Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), salue certaines initiatives de l’administration Plante comme la politique concernant le droit de préemption, elle considère que ce n’est pas suffisant pour répondre au besoin que la pandémie et l’inflation ont exacerbé.

L’organisatrice du FRAPRU est sceptique de la promesse de 60 000 logements abordables qu’a annoncée la mairesse. «On veut savoir combien seront des logements sociaux véritablement hors du marché», explique-t-elle. 

En entrevue, M. Beaudry ne répond pas aux interrogations du FRAPRU, même pas de manière approximative: «ce n’est pas dans cet esprit-là que la stratégie de Montréal abordable et l’objectif de 60 000 a été pensé.»

Une abordabilité subjective

Madame Lussier brosse un portrait peu reluisant des logements dits abordables qui sont intégrés aux marchés. Elle rappelle que sous cette étiquette d’abordabilité, des logements délivrés par certains programmes fédéraux peuvent dépasser un loyer de 2000 dollars par mois dans la région du grand Montréal: «Ce n’est pas abordable pour qui que ce soit qui a des besoins en ce moment!» 

D’après elle, ce type de programme ne permet qu’une abordabilité sur quelques années, il est difficile d’avoir un portrait de la véritable (portée) de son efficacité, «il faut qu’il soit développé par des coops, des organismes à but non lucratif, des offices municipaux, mais absolument pas par le privé.» Madame Lussier rapporte que le FRAPRU n’a jamais vu un programme qui permettait à la fois l’abordabilité au moment de la livraison et à long terme en fonctionnant dans une logique de marché.

Si M. Beaudry dit être conscient que ce type de programme, si mal conçu, peut nourrir la spéculation, il semble tout de même penser qu’ils peuvent être bénéfiques. Il donne l’exemple de la subvention aux familles qui acquiert une propriété; «ce n’est pas avant un certain nombre d’années qu’elle a le droit de le vendre avec une certaine plus-value sans pénalités.» 

Une habitation dont l’achat en 2021 a été subventionné de 15 000$ par la Ville de Montréal était offerte en location pour 2 900$ par mois rapporte un article du Journal de Montréal signé par Dominique Cambron-Goulet.

 Un manque de soutien des autres paliers 

Même si le FRAPRU est mitigé sur l’importance que la Ville de Montréal met sur le logement social, madame Lussier rappelle que les municipalités ne peuvent pas à elles seules obtenir les sommes nécessaires pour en développer. Alors qu’elle considère essentielles les contributions du fédéral et du provincial, la représentante du FRAPRU dit observer que «durant les dernières années, ils ont vraiment tendance à se dissocier du logement social.»

Là-dessus, M. Beaudry est d’accord avec le FRAPRU, «il faut qu’on ait les sommes nécessaires pour créer au moins 2000 unités de logement social par année.» L’enjeu ne se limite pas à celui du logement d’après lui. Le conseiller municipal interprète la récente annonce de la ministre des Transports et de la Mobilité durable, comme une reconnaissance au sujet de laquelle la mairesse de Montréal a raison ; la manière dont on finance le transport collectif ne peut plus continuer.  

«On a de la difficulté à répondre au besoin qui est croissant, si on veut réaliser la transition écologique, il faut revoir ça», prévient M. Beaudry. Il insiste que la Ville a besoin d’argent dès maintenant, «on le voit c’est plus de 70 millions qui manque, juste pour les opérations courantes, c’est sans compter le développement du transport collectif».

Le mode financement serait coupable

Blaise Rémillard, le responsable transport et urbanisme du Conseil régional de l’environnement de Montréal, est du même avis. Il pense même qu’on ne peut pas attribuer les problèmes de la STM à la Ville, le mode de financement serait à blâmer et «la balle est dans le camp du gouvernement provincial». 

«La STM dépend des revenus qui proviennent de la billetterie pour se subventionner, l’entretien des routes, le déneigement, les services rendus aux automobilistes en général, sont au contraire directement financés par la taxe foncière», explique-t-il. «Dans ce contexte, même si les automobilistes ont moins utilisé les routes pendant la pandémie, ils reçoivent le même service qu’avant la pandémie, alors que les usagers de la STM se retrouvent avec une dégradation du service et une société déficitaire».

À défaut du transport en commun, le transport actif

«Montréal est tout de même dans une position assez enviable quand on la compare aux autres villes d’Amérique du Nord», fait remarquer M. Rémillard. Malgré les problèmes reliés aux financements des autres paliers, il se dit satisfait des politiques de la Ville, «que ça soit la planification vélo annoncée en automne dernier ou encore la poursuite de la vision zéro, c’est très positif.»

 

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Alexis Bataillé

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