Pénélope McQuade ne se verrait jamais quitter Montréal. Après une enfance passée à Québec, Toronto et Mont-Saint-Hilaire, elle a commencé à se déployer en arrivant dans la métropole. Un quartier à la fois, l’animatrice nous raconte son histoire. 

© Courtoisie

Après des années à la campagne, sa famille s’est établie dans Notre-Dame de Grâce, quand elle avait 12 ans. Malgré le changement total d’environnement, celle qui se décrit comme une «petite bum de ruelle» a vite trouvé ses repères dans la grande ville. «J’étais précoce dans ma curiosité. Je traînais dans les bouches de métro. J’allais aux Foufounes électriques à 13 ans. Le côté illicite de la ville m’a happée durant mes premières années.» Pendant environ trois ans, sa famille a vécu dans NDG, un quartier multiculturel qui l’a profondément marquée. «Je me suis fait des amis de toutes sortes de communautés et j’ai perdu mon accent en anglais à force de pratiquer.»

Au milieu des années 80, les McQuade ont déménagé dans le Vieux-Montréal, à l’époque où il était quasi impossible d’acheter une pinte de lait dans le quartier. «Dans le temps, les gens travaillaient dans le Vieux, sans y vivre. Il y avait peu de logement convertis et plein d’immeubles à l’abandon.» Quelques années plus tard, ils ont jeté leur dévolu sur une propriété dans la Petite-Bourgogne. «On habitait en haut d’un dépanneur sur la rue Notre Dame. Même s’il y avait une grande criminalité, des gangs de rue et des coups de feu tirés la nuit, l’inquiétude n’était pas prédominante. Je profitais à fond de la vie multiculturelle, encore une fois. J’étais consciente que les moyens de mon père faisaient de nous des privilégiés habitant dans un quartier où les privilèges n’étaient pas si répandus.»

Vint ensuite un déménagement dans le Village gai, à quelques pas de l’UQÀM, où Pénélope McQuade a étudié en journalisme et établi certaines de ses valeurs fondatrices. «Quand tu étudies à l’UQAM, tu n’as comme pas le choix de développer ton ouverture aux autres. On devient vite fascinés par le milieu urbain dans lequel l’institution est implantée. C’est une université populaire avec des étudiants de partout.» Si ses premières années dans le Village ont été vécues auprès de ses parents jusqu’à 26 ans, son départ en appartement ne l’a pas trop éloignée de la résidence familiale, puisqu’elle s’est établie sur la rue Saint-André, près du boulevard René-Lévesque. «C’était un coin très tranquille, mais un demi-coin de rue plus loin, c’était la faune totale. J’ai adoré ce quartier! À l’époque, je travaillais à Salut Bonjour. Les gens me reconnaissaient et on se parlait beaucoup. J’ai aussi développé une grande proximité avec la communauté lgbtq+. D’ailleurs, mon premier travail d’enquête portait sur le gay bashing et les meurtres qui avaient lieux depuis dix ans dans le quartier.»

Ses années dans le Village ont également forgé la citoyenne qu’elle est devenue, tant dans ses intérêts que dans son désir de dialogue avec différentes communautés. «Aujourd’hui, je trouve ça difficile de le voir évoluer, avec la désinstitutionnalisation qui a engendré une augmentation des personnes itinérantes et toxicomanes dans le secteur.» Le jour où elle a voulu acheter son premier condo, elle ne s’est toutefois pas éloignée des quartiers moins favorisés. «Je n’avais pas envie de vivre dans un ghetto de privilégiés. J’envisageais des quartiers comme Saint-Henri et Ahuntsic, mais j’ai finalement opté pour Hochelaga.»

Son arrivée dans l’emblématique quartier de l’Est date d’il y a vingt ans, mais elle se souvient encore très bien de ses premières années. «Hochelaga était l’un des secteurs les plus pauvres au Canada. Les gens se parlaient peu. Il y avait beaucoup de dureté et de survivance. Je trouvais ça difficile de créer des contacts.» Propriétaire d’un condo dans une ancienne manufacture, et non dans les nouveaux condos qui ont poussé depuis, elle a été témoin des différentes étapes d’embourgeoisement du secteur. «Au début, j’ai vu plusieurs commerces nouveaux genres ouvrir et fermer assez rapidement. Il y avait une résistance. Je dirais qu’il y a eu deux ou trois vagues du genre. Peu à peu, j’ai vu de nouvelles familles s’établir dans le coin, chercher à faire du quartier leur lieu de vie et ouvrir des boutiques, des restaurants, des cafés coopératifs, des galeries d’art et des alternatives zéro déchet. Ça me réjouit!»

Globe-trotter, l’animatrice a vu sa perception de Montréal se transformer de voyage en voyage. «Quand on revient à Montréal, on retrouve quelque chose d’unique: un côté très convivial, décontracté et chaleureux dans les rapports. Je me sens en sécurité. Je marcherais seule à quatre heures du matin dans plusieurs quartiers de la ville. J’ai aussi pris conscience de la qualité des restaurants, des festivals et des lieux de diffusion culturelle. Par contre, depuis plus de dix ans, je trouve la ville moins belle qu’ailleurs dans le monde, où se construisent des quartiers uniques, des hubs de création et des installations collectives.» 

À ses yeux, Montréal souffre d’un manque de cohésion visuelle et de créativité urbanistique. «Quand je me promène à Porto, à Bangkok ou au Japon, je découvre plein d’initiatives absolument remarquables, alors qu’à Montréal, je sens une résistance à l’innovation en urbanisme. D’un point de vue économique, on souffre beaucoup des virages que la ville n’a pas pris, parce que les infrastructures vétustes coûtent cher et qu’on paie encore, des décennies plus tard, plusieurs choix du passé.» Malgré ses critiques, jamais elle ne quitterait la métropole. «Je suis une fille de ville, de béton et de quartiers ouvriers. Montréal, pour moi, c’est à la vie, à la mort!»

À propos de l'auteur

Samuel Larochelle

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