Fermetures, mises à pied, rues désertes. Vente en ligne, télétravail, achat local. La pandémie a affecté en profondeur l’économie montréalaise. Normalement à la barre du rayonnement économique de leurs quartiers respectifs, les Sociétés de développement commercial, mieux connues sous le nom de SDC, s’échinent actuellement pour que se maintiennent à flot les commerces et entreprises de la métropole. Retour sur une année inédite avec les représentants de ces organismes-clés.
«On a d’abord été un soutien d’information et d’accompagnement, expose Kriss Naveteur, directrice générale de la SDC Rue Saint-Denis. On a créé un « kit covid » qui comprenait des autocollants, des antibactériens, des masques, des gants, on a négocié une entente avec une compagnie de plexiglas, mis sur pied la livraison à vélo» rajoute celle qui est la tête de l’organisme représentant plus de 250 membres.
En plus d’aider les entreprises à adapter leurs installations afin qu’elles correspondent aux nouvelles normes sanitaires, les SDC ont enclenché diverses démarches dans le but de les soutenir économiquement: campagne de socio-financement, ententes avec les différents paliers de gouvernement, et même web série mettant en vedette les commerces impactés.
Pour Mario Lafrance, directeur général de l’organisme chapeautant le Vieux-Montréal, la création de ce genre de contenu a permis le réseautage entre les membres en plus de rejoindre le grand public. Le dernier confinement, décrété par le gouvernement du Québec en décembre dernier, a toutefois fait mal. «L’été et l’automne passé, et même au début de l’hiver, il y avait du monde (dans le Vieux-Montréal), indique Mario Lafrance. Mais quand les magasins sont fermés, là ça va pas bien».
Impacts significatifs sur l’économie
Si certains commerces se sont tournés vers la vente en ligne lors des derniers mois, nombre d’entre eux compte toujours sur la présence dans leurs établissements de clients, qu’ils soient travailleurs, résidents ou touristes.
«L’impact premier, comme tout centre-ville, c’est la baisse d’achalandage», souligne Glenn Castanheira, directeur général de Montréal centre-ville (auparavant Destination Centre-ville). Conséquence directe des mesures de confinement et des interdictions de voyager, la rue Sainte-Catherine, lieu phare du centre-ville, a connu une baisse d’achalandage de 76% entre les mois de mai et août 2020 par rapport à la même période l’année précédente. C’est la grande artère commerciale la plus affectée au Canada. «On demande aux gens de rester chez eux, et les centres-villes carburent à l’achalandage» poursuit celui qui a pris les rênes de l’organisme le 1er janvier dernier.
Même son de cloche du côté de Mario Lafrance, alors que la métropole, et particulièrement le quartier du Vieux-Montréal, a vu son nombre de touristes péricliter. «C’est sûr que la première répercussion, ça été l’arrêt total de la clientèle touristique, admet-il. En même temps, c’est pas vrai que le Vieux-Montréal est un quartier touristique point à la ligne. Mais on ne peut pas nier que la clientèle touristique est passée de 11 millions à zéro».
Inquiétudes
Au-delà de l’interruption du flux touristique, générant annuellement 5 milliards $ en retombées économiques, d’autres phénomènes inquiètent. Ainsi, la crise a fait dégringoler le taux d’utilisation des espaces de bureau du centre-ville (entre 5 et 10%), en plus de forcer la grande majorité des étudiants à suivre leurs cours en ligne. Résultat: tours à bureaux et campus sont pratiquement vides, une situation qui, conjuguée à l’absence de touristes, affecte grandement l’économie montréalaise.
«Faut savoir que la compétition de Montréal, c’est pas tant Laval et la banlieue, ce sont les autres grandes villes du monde, soutient Glenn Castanheira. Les emplois qu’on a au centre-ville, pour la majorité d’entre eux, on parle ici de sièges sociaux, d’entreprises internationales, il faut les garder. Le réel risque (de les perdre) il est là». L’initiative Relançons Montréal, un plan d’action pour renforcer le centre-ville instigué par la Chambre de Commerce du Montréal métropolitain, évoque la possibilité que l’ensemble des mesures sanitaires entraîne la ville dans une spirale de dévitalisation si rien n’est fait.
Du côté de la SDC rue Saint-Denis, on appréhende le moment où les commerçants devront rembourser les prêts consentis au cours de la pandémie. «Il y en a qui ont pris beaucoup de financement en pensant que la crise n’allait pas durer aussi longtemps, explique la directrice générale. Il y a aussi tous ceux qui n’étaient pas admissibles pour qui c’est extrêmement difficile». Bien qu’encouragée par la réouverture des commerces non essentiels, Kriss Naveteur émet des réserves. «Faut pas oublier qu’on est quand même en confinement. Le consommateur ne va pas se ruer sur les magasins, il va avoir changé sa façon de fonctionner».
Préparer l’après-pandémie
Certes, de nombreux questionnements persistent quant à la manière dont l’économie montréalaise se relèvera de la crise sanitaire. Glenn Castanheira demeure cependant optimiste vis-à-vis du centre-ville, quartier dont la mixité des usages le rendent très attractif. «La plupart des centres d’affaires dans le monde sont exclusivement des centres d’affaires, dit le nouveau directeur général. Tandis que chez nous, le centre-ville, c’est à la fois un centre d’affaires, un centre financier, universitaire, culturel et de commerces. Tout ça nous met dans une position quand même enviable».
Il admet cependant que du travail reste à faire, notamment au niveau de la gouvernance, de l’accessibilité et de l’attractivité du centre-ville. Des enjeux que la pandémie a mis en lumière ou même accélérés. «Il faut absolument que le centre-ville soit bien connecté, entre autres avec l’aéroport de Montréal, dit l’expert en développement commercial. Et il faut que ça soit un lieu où on veut aller, non pas par obligation».
Pour la SDC rue Saint-Denis, l’année 2020 n’aura pas été que négative. Malgré que l’artère commerciale ait connu 46 départs, 19 enseignes se sont implantées. «En temps de pandémie, c’était quand même très encourageant», indique Kriss Naveteur. Dans l’avenir, l’organisme compte poursuivre le plan de relance de la rue Saint-Denis, celle-ci ayant quelque peu perdu de son lustre au cours des dernières années. «On est dans une démarche de réalisations pérennes, que ce soit au niveau des commerçants, de la signature de la rue, de l’aménagement, signale-t-elle. (Notre but) c’est de redonner à Saint-Denis ses lettres de noblesse».
Ultimement, le manque à gagner touristique lors de la dernière année a été en partie absorbé par les consommateurs locaux, particulièrement dans le Vieux-Montréal. «Ce que cette perte de clientèle-là a créé, c’est que les commerçants se sont mis à comprendre qu’ils pouvaient avoir une clientèle directement locale, c’est-à-dire les résidents du Vieux-Montréal, ce qui n’existait pas il y a dix ans, observe Mario Lafrance. Les gens pensent que le Vieux-Montréal est un quartier uniquement touristique. C’était vrai dans le temps quand il y avait 800 habitants. Ils sont 10 000 maintenant».
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