Alors que la fermeture des commerces et entreprises s’impose comme solution à la propagation du coronavirus, les répercussions économiques qui en découlent demandent l’intervention concertée des décideurs. Parmi ceux-ci, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) qui, depuis tout près d’un an, s’affaire à soutenir les artisans d’une économie affaiblie. Pour qu’après la crise, Montréal soit prête. Tour d’horizon d’une relance avec Michel Leblanc, président et chef de la direction de la CCMM.
Comment a-t-on pu limiter les dommages faits par la crise sur l’Économie?
Présentement, il y a tout un dispositif d’aide qui est en place. Il y a la subvention salariale, qui maintient beaucoup de gens en emploi. Et ça, ça doit durer. Pour l’instant, le gouvernement du Canada a dit jusqu’à l’été prochain, mais ce qu’on va demander c’est que ça dure au moins jusqu’à ce que les activités reviennent au centre-ville. Deuxième élément, il existe présentement un programme d’aide pour les frais fixes. Et ça c’est la même chose, ça doit durer. Le troisième, les gouvernements ont en place ce qu’on appelle des prêts pardon, des programmes qui offrent aux petits commerçants et aux petites entreprises des prêts dont une partie va être transformée en subvention d’ici deux ans. Là ce qu’on dit aux gouvernements présentement, c’est que les pressions sur les liquidités sont très fortes, donc il faut augmenter la partie qu’ils transforment en subvention. (Tout) ça va permettre normalement à la base de survivre.
Après vous être assuré du prolongement de ce dispositif d’aide,
que reste-t-il à concrétiser à court-moyen terme?
D’abord, il faut ramener les travailleurs dans les lieux de travail, et donc va falloir rassurer les travailleurs, faire que les transports collectifs soient sécuritaires dans les prochains mois. Il va falloir éventuellement trouver les points d’équilibre sur le travail hybride et faire en sorte qu’il y ait un retour d’un bon pourcentage de travailleurs au centre-ville. Deuxièmement, il y a beaucoup de bureaux qui ont des espaces excédentaires. Il y avait des entreprises qui trouvaient que c’était trop coûteux, qui ne trouvaient pas ce qu’ils cherchaient, mais là, on va essayer d’amener le plus d’entreprises possibles vers le centre-ville. Je vous parle ici d’initiatives qui vont prendre un an. Et le dernier point, c’est de ramener les clients. Ça va être de retrouver le dynamisme que les jeunes et les touristes amènent, et donc, il va falloir faire éventuellement des campagnes pour mettre en valeur les musées, les activités culturelles, pour d’abord les Montréalais, mais éventuellement le 450, le reste du Canada et les touristes internationaux.
Les pronostics qu’on fait, c’est que à un moment donné, disons sur 18 mois, on va retrouver la possibilité de voyager. Partout sur la planète, il y a énormément de dollars discrétionnaires de touristes qui sont présentement économisés. Les gens vont rêver de retourner sur des plages, de retourner faire des voyages. Il y a beaucoup de touristes internationaux qui vont se déplacer. Donc, si on dit: quelles sont les mesures pour renforcer le centre-ville? C’est de s’assurer que toute notre base commerciale et nos entreprises sont là, c’est de ramener des clients locaux éventuellement et c’est d’être prêt à attirer le plus de touristes internationaux dès qu’on le pourra.
Quelles sont les forces sur lesquelles la Ville doit miser pour entreprendre la relance?
Il faut que ça soit en ligne avec nos forces historiques. Montréal est une ville festive, elle est reconnue au niveau des jeunes comme étant une ville universitaire agréable. Quand on attire des congrès, des grandes conférences internationales, on tire très bien notre épingle du jeu parce que les organisations qui tiennent ces congrès-là savent combien les congressistes sont heureux quand ils viennent à Montréal. Ça c’est notre réputation. Ce que je préconise, c’est qu’au moment où l’on se parle, les gouvernements doivent soutenir nos entreprises de création. Ça peut être des créatifs au sens théâtral, au sens muséal, ça peut être des festivals, des entreprises qui vont créer de l’attraction. Pour que ça soit en place quand les touristes vont pouvoir se déplacer… que Montréal soit sur le billboard des endroits où il se passe quelque chose… qu’on arrive à frapper l’imaginaire des touristes et des gens d’affaires pour qu’ils viennent ici.
D’un autre côté, en quoi la ville dois-t-elle se transformer sur le plan de son organisation économique et sociale pour concrétiser cette relance?
La plus grande faiblesse qu’on se reconnaissait avant la pandémie, c’était la difficulté de se déplacer. Ce que les gens critiquaient, c’était la difficulté de trouver des moyens efficaces de se rendre du point A au point B en sachant combien de temps ça va prendre. Les gouvernements ont annoncé beaucoup de choses durant la pandémie : le REM de l’est, des investissements dans le transport collectif, la ligne bleue, et on voit que le REM progresse vers la Rive-Sud et vers l’ouest. Ça, à mon avis, ça va venir corriger une de nos grandes faiblesses.
Une autre faiblesse qui pouvait exister, c’est qu’on a des zones en friche où c’était difficile de repartir la machine économique. Il y a des décisions qui ont été prises à peu près au début de la pandémie sur la décontamination éventuelle. Si on jumelle ça avec le REM de l’est, d’un point de vue de plateforme pour faire du développement économique, l’est de Montréal pourrait être un endroit où il y aura beaucoup d’investissements dans la prochaine décennie. Ça va venir offrir tout un secteur à gros potentiel, proche de bassins de travailleurs qui sont disponibles. Pour moi, c’est les deux grands enjeux: la question du transport et et le développement de zones qui ont été affaiblies historiquement.
Dans le cadre de vos fonctions à la tête de la CCMM,
est-ce le plus grand défi auquel vous avez dû faire face?
Je suis un économiste de formation, j’ai passé ma vie à réfléchir à tout ce qui s’appelle stratégie de développement économique, création de richesses. De penser qu’on pourrait mettre à l’arrêt 40% de l’économie pendant trois mois comme on l’a fait le printemps dernier, qu’on pourrait dire à des secteurs complets comme la restauration, vous êtes fermés, d’avoir une économie qui fonctionne sans aucun touriste, c’est une réalité qu’on avait d’abord de la difficulté à imaginer, et deuxièmement, on ne pensait pas qu’on pouvait traverser ça. Les gouvernements ont dû réagir très vite et ils ont été très à l’écoute.
Comme président de chambre de commerce, j’ai été plus sollicité dans la dernière année qu’à aucun autre moment avant, parce que les gouvernements voulaient avoir l’heure juste, voulaient qu’on leur fasse des propositions et éventuellement voulaient mettre en place des programmes quitte à les améliorer. Tout ça d’un point de vue de chambre de commerce, c’est une période exceptionnelle. On a été plus dans le trafic qu’on ne l’a jamais été, plus contactés par les entreprises, plus en relation avec les décideurs publics, des chefs d’entreprises qui avaient des besoins. Assurément depuis 12 ans, depuis que je suis à la tête de la chambre de commerce, il n’y a jamais eu quelque chose de comparable.
Je ne l’avais pas vu ainsi. En effet, d’un côté tout est arrêté, mais de l’autre, le besoin de relance est là,
et qu’on vous ait sollicité autant, c’est un peu normal.
C’est ça. Souvent il y a des crises, et des entreprises, des organisations peuvent sentir qu’il y a peu de choses qu’elles peuvent faire. Nous, ç’a été un révélateur qu’une chambre des commerces, comme voix du milieu des affaires, comme lieu de discussion et de relations entre les gouvernements, les entreprises, que c’est indispensable pendant une période de crise.