Il y a les tours à condos et les tours de bureaux fraîchement érigées, et celles où les armatures toujours saillantes préfigurent la fresque citadine à venir. Griffintown se renouvelle à un rythme effarant, laissant les Montréalais à la remorque des grues qui bricolent l’horizon dont sera fait demain. Marquant le début d’un programme de commandes photographiques intitulé Montréal en mutation, l’exposition Griffintown retrace l’évolution du quartier, ouvrant l’espace à un pas de recul nécessaire à la compréhension de notre rapport au patrimoine bâti et à l’évolution du tissu urbain. Échos a réalisé un entretien avec Hélène Samson, conservatrice photographie au Musée McCord.
D’abord, d’où provient l’idée de ce projet?
C’est une idée qui est souvent formulée dans le milieu de la photographie. Des projets photographiques de ce genre se font dans plusieurs grandes villes, à Paris, par exemple. Il y a en ce moment beaucoup de mouvements urbains, des quartiers qui se transforment au fil des ans, comme le Mile End, le Plateau, Rosemont, la Petite Italie, et autres. La documentation de ces secteurs en mutation va être ajoutée à la collection du musée. Mais le projet est venu aussi et principalement d’un désir d’encourager la photo documentaire et ses artisans. On a choisi la ville, mais ça aurait pu être autre chose, l’immigration par exemple.
Pourquoi débuter avec Griffintown? Le quartier représente-t-il l’exemple le plus évident de l’évolution du tissu urbain montréalais?
Initialement, on avait pensé aux quartiers Centre-Sud ou St-Henri. Le photographe Robert Walker, mandaté pour cette première commande, a commencé à faire de la recherche et il nous est revenu avec Griffintown. Il voulait le documenter, puisque d’une certaine façon c’était une matière connue, un sujet qui se rapprochait de son travail passé à New York. Enfin, il est certain que Griffintown est un quartier en ébullition. Cette commande a été faite en 2018 et ça a déjà changé depuis. En tout, ce seront trois missions photographiques dans des secteurs en transformation.
Qui est Robert Walker? Et pourquoi l’avoir choisi?
Robert Walker est un photographe d’origine montréalaise qui s’est démarqué par la photo de rue dans les grandes villes, à New York notamment dans les années 80, particulièrement au cœur de Times Square. Il en a tiré son livre New York Inside Out. Walker n’est pas un jeune nouveau, il a toute une carrière derrière lui. C’est un artiste chevronné dont les œuvres ont été présentées dans des expositions à travers le Canada et les États-Unis et en Europe.
Les photographes mandatés ont-ils carte blanche?
Avant tout ce qu’on veut c’est créer une série photographique d’un quartier en mutation. On mandate un travail documentaire, donc non farfelu. On choisit des artistes qui nécessairement ont une vision personnelle, une démarche propre à eux. Il y a en quelque sorte carte blanche sur le quartier investit par le photographe, bien qu’on doit d’abord tomber d’accord sur un quartier à documenter.
Qu’apporte le musée, en ce qu’il est et représente, dans la compréhension de l’enjeu du patrimoine bâti?
Le Musée McCord est un musée sur l’histoire sociale de Montréal. Il prend acte et tente de susciter la réflexion sur les enjeux sociaux de la ville, comme l’évolution du tissu urbain et les conditions dans lesquelles vivent les Montréalais. On amène ceux-ci à se dire, de quelle manière la ville se transforme-t-elle et quels sont les facteurs pouvant l’expliquer. En faisant cette exposition, c’est comme si on amenait le sujet de discussion sur la table, on veut que ça se parle. En complément, le Musée propose, dans le cadre d’une série de conférences intitulée Échanges urbains, d’aborder cette thématique afin de tirer les leçons de cette évolution.
Griffintown, présentée du 7 février au 9 août 2020, au Musée McCord.
Bannière principale: Robert Walker © MuséeMcCord_MarilynAitken