Il y a bien longtemps que le vêtement déborde le caractère fonctionnel de son existence. Pour autant qu’il protège le corps des ardeurs du climat, le tissu prend tout son sens dans la symbolique qu’il revêt : véritable marqueur social, le vêtement camoufle autant qu’il expose, et de ce fait dirige l’autre vers une représentation idéalisée de soi. Une « couche » de communication qui lance ultimement un puissant message identitaire. Présentée au musée McCord depuis 2013, l’exposition Porter son identité – La collection Premiers Peuples dévoile ces relations nouées entre l’individu et l’habit dans l’expression de l’identité, des rapports qui chez les Premières Nations, les Inuits et les Métis témoignent de la fierté de ces peuples et de leur volonté d’exister.
« Le concept de l’exposition Porter son identité repose essentiellement sur la notion de l’identité, c’est-à-dire les gestes et pratiques par lesquels on établit notre place en relation avec l’autre, souligne la conservatrice de l’exposition, Guislaine Lemay. L’expression des identités est multiple : on pourrait utiliser l’art, la musique, la langue, mais ici on a choisi d’utiliser les vêtements ». L’exposition expose ainsi les différentes traditions vestimentaires des Premières nations, des Inuits et des Métis, « tout en faisant ressortir les différents éléments identitaires communiqués par le vêtement, soit les éléments sociaux, culturels, politiques et spirituels » poursuit la conservatrice.
De facture sobre, l’installation est ainsi faite que seuls les artefacts – magnifiques, ornés de perles, étoffes et fourrures – captent le regard du visiteur. Parmi ces pièces uniques, une coiffure apache à plumes d’aigle datant du tournant du XXe siècle. L’accessoire emblématique des nations des Plaines porte à la fois les marques de la tradition et du renouvellement. Bien qu’elles soient toujours dévolues aux hommes détenant prestige et autorité, les coiffures ne témoignent plus d’exploits guerriers, mais irradient plutôt l’affirmation de l’identité autochtone notamment lors de ces rassemblements cérémoniels puissants que sont les pow-wow.
Hommage aux femmes
En filigrane de cette démonstration historique se profilent les contours d’une présence féminine déterminante dans la conception de ces habillements, et donc de ces identités. « Je dirais que l’exposition est comme un hommage aux femmes, observe Guislaine Lemay. Si la majorité des vêtements exposés étaient portés par des hommes, la plupart ont été fabriqués par des femmes et témoignent d’un grand savoir acquis par une étude et une expérimentation minutieuse de la nature, un savoir par ailleurs transmis de génération en génération ».
Évidemment, l’exercice force à réfléchir sur le rapport aux vêtements qui s’impose à l’heure actuelle. Essentiellement mise en scène de soi-même, tout filé d’orgueil, l’accoutrement moderne est en grande partie dénué de cette charge symbolique historique, politique et communautaire portée par cette grande collection.