Même si l’attachement de Dany Turcotte au Saguenay-Lac-Saint-Jean est toujours aussi vibrant, il a passé près du double de sa vie à Montréal. Quelques jours après l’enregistrement du dernier épisode de la saison de Tout le monde en parle, l’humoriste et animateur a pris un moment pour discuter de sa ville d’adoption.
D’emblée, le natif de Jonquière affirme qu’il a longtemps vu la métropole par la lorgnette des Chroniques du Plateau-Mont-Royal de Michel Tremblay. «C’était une grande ville un peu mythique. Pour moi, le Plateau était quelque chose d’imaginaire. Quand j’ai déménagé en ville, je m’attendais à rencontrer des personnages fabuleux et colorés comme Cuirette partout!» Même si l’imaginaire du dramaturge a teinté les projections du jeune homme, ce n’est pas l’envie de vivre dans une ville où la vie lgbtq+ était plus foisonnante qu’au Saguenay qui l’a poussé à s’y établir. «Je n’ai pas souffert d’être gai au Saguenay. J’avais un chum. On évoluait dans un milieu ouvert d’esprit. On ne se sentait pas ostracisé. Comme j’étais en amour, je ne ressentais pas le besoin de déménager en ville pour trouver un copain.»
C’est donc l’humour et non l’amour qui l’a poussé à faire le grand saut, aux côtés des membres du Groupe Sanguin. «On a été parachuté à Montréal de façon assez directe. Le producteur Michel Sabourin nous avait vu en spectacle à Québec et nous avait convaincus de nous installer à Montréal. On a rempli un camion de déménagement à cinq. On n’avait presque pas de meubles personne. J’ai trouvé un logement avec Marie-Lise Pilote, coin D’Iberville et Sherbrooke, près du Pont Jacques-Cartier. Dès que des gros camions passaient, ça shakait dans l’appartement!»
C’est à l’âge de 19 ans qu’il a pris demeure dans la métropole: un nouveau départ qui fut accompagné d’une série de petits chocs. «J’ai découvert la misère, les sans-abris, les gens solidement intoxiqués sur la rue. C’était un peu comme rencontrer des Walking Dead! Je me souviens aussi d’avoir été marqué par les canicules insupportables qu’on ne vit pratiquement pas au Saguenay: les chaleurs intenses qui ravivent des odeurs violentes de poubelles et d’égout.» En contrepartie, il a été séduit par la beauté de plusieurs parcs montréalais et par la diversité culturelle de la ville. «La diversité n’existait pas du tout au Saguenay à l’époque. En vivant à Montréal, j’ai aussi compris que les gens n’étaient pas tous des personnes de Tremblay et que l’arc-en-ciel de la communauté lgbtq+ était large. Cela dit, je n’ai pas fréquenté le Village gai en arrivant. J’étais en couple avec mon deuxième chum et j’avais peu de contacts avec la diversité durant ces années-là.»
Après des années dans Centre-Sud, il a vécu près de huit ans au coin Garnier et Mont-Royal, avant d’acheter un édifice avec Dominique Lévesque, coin Des Érables et Rachel, où il est resté pendant vingt-cinq ans. Après le décès de son ami et collègue, il a acheté un condo à Griffintown. Ce n’est d’ailleurs qu’en changeant de quartier qu’il a vraiment découvert la métropole. «Quand j’habitais sur le Plateau, je fréquentais presque exclusivement le quartier. Avec les commerces de proximité, c’était une bulle que j’adorais. Je connaissais l’avenue Mont-Royal par cœur, chaque commerce, chaque sans abris. Depuis que je suis à Griffintown, on dirait que je viens de déménager à Montréal. Je découvre le centre-ville et le long du Canal Lachine, mon endroit préféré présentement, où je fais du vélo tous les jours en me rendant le plus loin possible, presque jusqu’à Lachine.»
Montréalais depuis 36 ans, il est néanmoins resté très connecté aux régions du Québec. D’abord, en faisant des tournées d’humour durant 20 ans. Puis, en tournant La Petite Séduction pendant 12 ans. Une situation qui lui a donné une vue d’ensemble de la province et du recul sur la ville. Quand on lui demande ce qu’il souhaite pour le futur de Montréal, il pense tout de suite à la diminution de la circulation automobile. «La place de la voiture est beaucoup trop grande. Les gens sont attachés à leur auto. Ils pensent qu’ils doivent se stationner devant leur maison et aller en char au dépanneur. Mais, ça, c’est la vie de banlieue. En ville, on utilise les transports en commun, la marche ou le vélo. Je rêve des centres-villes comme ailleurs dans le monde où il n’y a presque pas de voiture. Le grand projet de création de pistes cyclables, annoncé en mai, enrage beaucoup de monde, mais moi, je suis absolument d’accord. Il faut plus d’espace pour les vélos et les piétions. On doit s’arranger pour gagner des adeptes qui prendront plaisir à sillonner la ville plus lentement, en ayant le temps de la regarder et d’en profiter.»
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