Une université à la fois
Depuis l’automne 1969, l’Université du Québec à Montréal a diplômé 289 366 personnes. Pendant plus d’un demi-siècle, l’UQÀM s’est transformée au fil des mouvements sociaux, de l’évolution des disciplines et des besoins de ses étudiants, réputés à gauche et très portés à faire la grève. Échos Montréal a invité sa rectrice Magda Fusaro à nous parler de l’institution.
Qu’est-ce qui démarque l’UQÀM des autres universités montréalaises?
Profondément son caractère urbain et socialement engagé dans toutes les disciplines. On a souvent de l’UQÀM l’image d’une université de sciences sociales, de sciences humaines et de communications. C’est vrai, mais ça reflète peu la diversité de l’UQÀM. Dès sa fondation, les sciences dures comme les mathématiques et la physique étaient très présentes. Nul besoin de démontrer la vitalité des arts chez nous. Nous avons également fait notre marque en éducation, en sciences politiques et en droit : nous avons quand même un bac très prestigieux, le baccalauréat en droit international.
On parle de l’UQÀM comme une institution plus portée sur la pratique que sur le théorique. Pourquoi?
Dès sa fondation en 1969, l’UQÀM a mis de l’avant les travailleurs et les femmes qui n’avaient pas accès aux études supérieures et qui n’avaient pas la possibilité de suivre un curriculum dit classique, soit des études à temps complet. En mettant de l’avant des programmes à horaires flexibles, des programmes courts ou moins courts, l’UQÀM a créé les baccalauréats par cumul de certificats. Nous les avons mis littéralement sur la planète Québec. Nous avons toujours eu le désir de rendre accessible un savoir d’études supérieures théoriques et de pouvoir dire à nos étudiant(e)s qu’ils pourront appliquer leurs acquis sur le marché de l’emploi, que ce soit dans le communautaire, en entreprises ou dans les grandes organisations internationales. Le savoir chez nous est autant pratique que théorique. Quand j’entends que l’UQÀM est un gros cégep, je colle aux rideaux. Je me dis : quelle bande… je ne peux pas dire ça en entrevue ! Je me dis… quel dommage de ne pas connaître la grande réalité de l’UQÀM, son excellence en recherche, tous les prix récoltés, ainsi que les bourses gagnées par nos étudiants.
À l’origine, quelle était la mission de l’UQÀM?
En décembre 1968, à la suite de grandes transformations sociales, plusieurs personnes qui ont marqué histoire du Québec moderne ont constaté que le Québec manquait d’universités en général, d’universités francophones et accessibles. À la fin de l’année, le réseau UQ a été fondé avec la volonté de rendre accessibles les études supérieures pour les francophones (hommes, femmes, travailleurs), en plus de s’intéresser rapidement aux premiers peuples et aux personnes en situations de handicap.
Quels sont vos liens avec les autres institutions du réseau UQ?
Je m’inscris dans l’ensemble du réseau. On est plus fort ensemble qu’individuellement. C’est un leitmotiv. Cependant, l’UQÀM a des caractéristiques propres qui ne sont pas reproduites ailleurs, de par notre taille: nous représentons 50 % du réseau UQ. Nous misons aussi sur une grande diversité de disciplines. Nous travaillons main dans la main avec les autres membres de l’UQ, mais l’UQÀM délivre ses propres diplômes et suit ses propres règlements.
Quels jalons de l’évolution de l’UQÀM sont les plus marquants à vos yeux?
L’UQÀM a toujours été un vecteur de progrès social, scientifique, culturel et économique. Les universités jouent ce rôle dans le développement d’une métropole, d’une province ou d’un pays. Toutes les grandes causes sur lesquelles l’université s’est penchée ont fait évoluer la société et notre institution. Par exemple, les garderies à 5$, ce sont des chercheurs de l’UQÀM, en collaboration avec l’IRNS, qui ont étudié la question. Nous avons aussi été des pionniers en environnement et la première université à offrir des programmes en sexologie. Lors de la première session d’automne 1969, l’UQÀM comptait 3216 inscriptions. Quelque cinq décennies plus tard, nous dépassons les 39 000. Je remarque aussi un enrichissement des programmes et la transformation des disciplines qui s’imbriquent entre elles. C’est d’ailleurs un autre grand élément de distinction de l’UQÀM: son interdisciplinarité. Dès le départ, nous avons mis de l’avant la volonté de traiter un objet d’études sous l’angle de plusieurs facettes, avec plusieurs courants de pensée.
On dit souvent que l’UQÀM est très à gauche et toujours prête à faire la grève. Pourquoi cette perception?
Certainement parce qu’il y a eu grands mouvements sociaux et que l’UQÀM s’est manifestée dans ces mouvements-là. Quand notre institution a été créée, le Québec était passablement malmené par de grands mouvements de grèves de travailleurs. Par ailleurs, peu de gens savent que l’UQÀM a été fondée par des gens très à droite et d’autres très à gauche. Fondamentalement, la gauche a pris le dessus. Cela dit, il y a aussi une question d’étiquette. Il y a deux ou trois ans, quelqu’un m’a dit: «Oh, vous êtes encore en grève», alors qu’on ne l’était pas cette fois. On dirait que le mot grève nous est associé. Faut-il aller en grève chaque fois? Votre avis vaut le mien. J’accompagne des mouvements qui dialoguent avec la société et j’en suis extrêmement fière.
Beaucoup d’étudiants des autres grandes universités regardent l’UQÀM de haut et affirment qu’on y offre des formations de moindre qualité. Vous leur répondez quoi?
Nous sommes ici devant des perceptions erronées. De toute évidence, l’histoire des autres universités est différente et bien plus longue: l’Université McGill a 300 ans, l’Université de Montréal près de 150 ans et l’Université Laval presque 170 ans. Cela dit, je ne crois pas que leurs étudiants nous regardent de haut. Je n’ai jamais ressenti cela. Il y a bien sûr des divergences d’opinion, ce qui est tout à fait normal. Nos étudiants embrassent la culture et les valeurs de l’UQÀM. S’il y en a parmi les autres qui nous jugent avec condescendance, je les invite à revoir leurs opinions et à suivre un cours chez nous.
Pourquoi aviez-vous choisi l’UQÀM pour faire votre maîtrise en communications?
J’ai rencontré un prof qui m’a éblouie, j’aimais beaucoup ses recherches et je trouvais qu’il y avait un intérêt pour moi. J’ai longtemps hésité entre ULaval et l’UQÀM, mais j’ai choisi l’UQÀM pour son caractère jeune. Lorsque j’ai fait ma maîtrise, j’ai découvert un univers de sens et j’ai décidé que c’était une belle université pour laquelle j’aimerais travailler.
Depuis le 7 janvier 2018, comment avez-vous apporté votre touche personnelle à l’institution?
L’an dernier, j’ai fait un bilan de mi-mandat après deux ans et demi, qui est disponible sur le site web du rectorat. Cela permet de voir l’ensemble de mes réalisations. À mon avis, un élément qui me démarque, c’est ma présence sur les scènes locales, nationales et internationales. Je mets beaucoup efforts à défendre l’image de l’UQÀM. Je n’admets pas les propos dénigrants à l’égard de cette belle université. Je déteste les raccourcis intellectuels. Donnez-moi des faits et j’y répondrai.