Denis Coderre a changé. Du moins, c’est ce qu’il s’évertue à expliquer dans Retrouver Montréal, un livre amalgamant une réflexion sur son échec électoral du 5 novembre 2017 et son cheminement personnel, un essai sur la métropole de demain et un programme électoral que devra lire quiconque voudra se joindre à lui.

© Caroline Bergeron

Quel effet l’écriture du livre a-t-elle eu sur vous?

Le premier mot qui me vient en tête, c’est libérateur. J’avais envie de partager ce qui m’habitait, par quelles émotions je suis passé et mon processus de résilience. Peu à peu, j’ai pris goût à l’écriture. Quelque chose s’est déclenché en moi et les mots me venaient aisément. Il faut dire que j’ai également été entouré d’un comité de rédaction, de recherchistes et d’experts qu’on a interviewés.


La publication de livres exposant des idées 
politiques est plus courante aux États-Unis et en Europe. Êtes-vous persuadé que les Montréalais voudront vous lire ou est-ce une façon d’obtenir de l’attention médiatique?

Même si je n’avais pas choisi de me présenter aux prochaines élections, mon livre serait à mon avis pertinent. J’explique ce qu’on a fait lors du précédent mandat, d’où je viens et comment je vois la ville. Je pense que le livre va trouver preneurs. Un peu comme Jean Chrétien l’avait fait brillamment en 1993, en publiant son livre rouge, mon livre va permettre aux gens de savoir à quoi s’attendre. Il ne faut pas les prendre par surprise.

Vous avez grandi dans un monde où les hommes n’avaient pas le droit de montrer leurs émotions ni d’exposer leurs failles, mais vous dites être prêt désormais à vous montrer publiquement vulnérable. D’où vient ce désir?

La défaite m’a fait grandir. Je me suis retrouvé. Et je trouve qu’on gagne à montrer notre vulnérabilité, à assumer qu’on a fait des erreurs et qu’on va en refaire. Depuis que je me montre sous mon vrai jour, certains citoyens me parlent davantage. Quand je prends des marches, les gens m’arrêtent dans la rue pour me partager ce qu’ils vivent. Et comme je l’écris dans le livre, je suis très attiré par le concept des cercles de guérison chez les autochtones. Je crois qu’on devient plus fort quand on reconnaît qui on est et ce qu’on doit améliorer. Cela dit, être vulnérable ne veut pas dire être faible. C’est plutôt d’avoir la force de reconnaître d’où on vient, qui on est et de reconnaître ses limites.

On vous a accusé d’en mener trop large à l’hôtel de ville, d’être trop autoritaire et parfois brusque. Que répondez-vous à ceux qui ne croient pas à la capacité des intimidateurs de se transformer?

Je ne suis pas un intimidateur. Je peux être très affirmé. Parfois, la conjoncture exige de réagir en conséquence. Mais, autant que je sache, je n’ai jamais manqué de respect envers les gens. J’ai une voix forte, je prends de la place, mais je n’ai jamais descendu les autres publiquement. La preuve, j’ai pris sur mes épaules le blâme de la défaite en 2017. Presque quatre ans plus tard, je me sens changé et apaisé. Je pense que les gens veulent me juger sur ma façon de me relever.

Vous souhaitez ramener des compétences provinciales au niveau municipal, comme certains éléments en éducation, dans la lutte aux changements climatiques et celle contre le racisme systémique et la pauvreté. Comment provoquerez-vous ce changement de paradigmes?

Je tiens à dire que l’une des raisons pour lesquelles mon équipe veut revenir, c’est que nous avons un sentiment d’œuvre inachevée. Nous avions débuté ce changement de paradigmes, en donnant à Montréal un inspecteur général pour installer des balises en amont sur le système de corruption à combattre, en obtenant une plus grande autonomie municipale et le statut de métropole. Grâce à cela, nous avons usé de pouvoirs compensatoires que nous n’avions pas avant, comme la capacité de compenser les commerçants, de mieux structurer l’intégration des immigrants ou la situation des logements. Nous étions en train de passer d’une créature de la province à un gouvernement de proximité, et nous voulons continuer. Concrètement, ça va passer par des quartiers vibrants où nous allons créer des milieux de vie, augmenter la densité et nous impliquer dans le parc immobilier des écoles pour développer davantage la stratégie de sport scolaire et la diffusion culturelle, en plus de bâtir des écoles et de développer des quartiers. On veut redonner envie aux gens de rester en ville.

Vous écrivez que tout passera par les villes d’ici 20 ou 30 ans. Iriez-vous jusqu’à dire que l’exode actuel des Montréalais vers les banlieues et les régions est un effet passager?

C’est peut-être passager ou peut-être qu’on n’a pas su les retenir… Je veux que les quartiers conservent leurs saveurs locales en étant des lieux de destination, tout en redevenant une métropole rayonnante qui joue le rôle de poumon économique et de fer de lance. Je ne suis pas un pessimiste qui craint un exode encore plus massif. Des fois, j’ai surtout l’impression qu’on ne vend pas Montréal.

La politique est un métier d’image. Quelle image vendez-vous à la population?

Un homme qui aime profondément Montréal. Celui qui fait arriver les choses, qui veut permettre à la ville d’être un contrepoids politique et qui va aller chercher un maximum pour Montréal en étant fédérateur, grâce à un mélange d’expérience et d’assurance.

En quoi les constats que vous avez faits sur vous-mêmes et sur les besoins de Montréal influenceront la constitution de votre équipe aux prochaines élections?

Je cherche des humains qui ont la population à cœur. Ce n’est pas pour rien que le premier chapitre du livre porte sur le vivre-ensemble. On veut le moins de laissés-pour-compte possible. La formation Ensemble Montréal mise déjà sur une équipe formidable et je vais bientôt annoncer plusieurs noms qui vont se joindre à nous. Je veux une équipe paritaire constituée d’hommes et des femmes issus de tous les milieux et je carbure à la diversité. Nous formerons une mosaïque qui représente ce qu’est Montréal et nous serons en mode solutions. La ville a besoin d’espoir.

À l’Assemblée nationale, la nouvelle génération de politiciens et surtout de politiciennes prône la trans-partisanerie, soit la collaboration qui va au-delà des allégeances politiques. Pourriez-vous mettre cela en pratique à l’hôtel de ville?

Je le faisais déjà avant. Réal Ménard et Russell Copeman ne faisaient pas partie de mon équipe et on a travaillé ensemble. J’ai aussi amené Richard Bergeron avec nous. Moi, dans la mesure où les gens ne font pas d’attaques personnelles, ils sont mes alliés. Les citoyens veulent des solutions et je pense qu’on est capables de tous se pencher sur les enjeux actuels et de réfléchir au type de société dans laquelle on veut vivre.

Que pourriez-vous apprendre de Valérie Plante?

J’aime sa sensibilité sur plan environnemental. Je l’ai connue quand elle était conseillère de l’arrondissement Ville-Marie. Cela dit, je ne suis pas d’accord avec le type leadership de son administration que je juge trop attentiste et qui n’assume pas suffisamment son leadership.

À propos de l'auteur

Samuel Larochelle

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