Depuis le 16 mai dernier, le Centre des Sciences de Montréal accueille les visiteurs petits et grands à leur Banquet, une exposition interactive et multisensorielle montrant la science derrière la cuisine.
Si vous croyez que seulement l’odorat et le goût sont nécessaires pour participer à l’exposition, pensez encore! Ce sont tous les cinq sens qui sont activés au travers d’un parcours épicurien comprenant cinq zones interactives, en passant par la cuisine, les amuse-bouche, le banquet et l’atelier culinaire, culminant avec un spectacle de plus de dix minutes où les invités s’assoient à table pour une œuvre multimédia inspirée d’un menu conçu par les chefs Thierry Marx et Raphaël Haumont.
L’interactivité à l’avant-plan
Banquet surprend immédiatement par sa mise en valeur de zones interactives, où nous sommes carrément défiés à tester plusieurs outils de cuisine, dont la mandoline pour couper des pommes de terre, le fouet pour préparer la crème fouettée, ainsi que le rouleau afin de préparer une pâte. Dans les parties instructionnelles, les gestes que font les chefs sur les vidéos ont l’air simples, mais l’exécution est beaucoup plus complexe que les apparences, surtout lorsque nous n’avons aucune formation en cuisine. Ma meilleure performance était dans la zone de la crème fouettée, mais ce ne sera pas un exercice que je voudrais refaire de sitôt.!.
Plusieurs quiz testent nos connaissances sur la dégustation, ainsi qu’un sondage en fin de parcours est réalisé sur les manières à table. Mais ce qui impressionne le plus à travers l’exposition est la section “amuse-bouche,” où nous goûtons un bonbon fait par la confiserie montréalaise La boîte à bonbons qui n’est pas en relation avec sa couleur (la couleur rouge ne goûtera pas la fraise, par exemple, mais quelque chose de complètement différent). Le cerveau essaie de croire qu’il s’agit bel et bien de ce que la couleur connote, mais devient complètement déstabilisé par l’expérience lorsque le jujube touche nos papilles.
C’est le moment le plus renversant et révélateur de l’exposition, qui s’avère somme toute généralement correcte, où les parties d’apprentissage plus didactiques s’avèrent moins palpitantes et n’étoffent pas leur matière en profondeur, à l’exception des mises en scènes assez inventives (une conversation dans un “laboratoire” où deux chefs parlent à travers deux écrans différents ou un vidéo sur la science derrière les bouillons que nous regardons dans une casserole bouillante).
Les chefs québécois célébrés, mais…
Banquet est une exposition originaire de France et a obtenu un grand succès lors de son séjour à Paris. Lorsque le Centre des Sciences fit l’annonce d’une première Nord-Américaine pour l’exposition, on promettait que le contenu serait réadapté pour le public québécois, en valorisant le talent d’ici. Il est cependant navrant de constater qu’un seul très petit coin de l’exposition est dédié aux chefs qui ont contribué à faire avancer la gastronomie québécoise, avec quatre plats signatures décrits par les gens l’ayant créés, Paul Toussaint, Charles-Antoine Crête, Cheryl Johnson, Colombe Saint-Pierre et Cezin Nottoway, ainsi qu’un court film voulant rendre hommage à Normand Laprise, fondateur du restaurant Toqué!, véritable institution dans la métropole.
Le film en tant que tel n’est pas très captivant, et s’apparente plutôt à de l’hagiographie qu’autre chose. Pour les gens n’étant pas trop familiers avec son travail, on pourra retenir qu’il était précurseur de la gastronomie québécoise, a osé aller où le monde culinaire n’allait pas, et a élevé la cuisine “vers de nouveaux sommets.” C’est bien, mais ça n’explique rien de concret. Ne serait-ce pas aussi pertinent de discuter des défis auxquels a fait face Normand Laprise au cours de la dernière année avec la fermeture de ses brasseries, et l’impact de la pandémie de COVID-19 sur l’industrie de la restauration dans la province? La pandémie est brièvement mentionnée lorsque l’on parle d’anosmie dans un de ses quiz, mais l’industrie a véritablement été mise à mal par la crise. Il aurait été juste d’aborder comment les grands chefs d’ici et ailleurs ont pu se remonter, ou se réinventer face à cet événement mondial qui nous a tous marqués d’une façon ou d’une autre.
D’ailleurs, il n’y a aucune mention d’autres figures qui auraient élevé à leur tour la gastronomie, mise à part la table des plats signatures mentionnés plutôt. Les vidéos instructifs sur les zones interactives auraient certainement pu être donnés par des chefs d’ici, au lieu d’être importé de France. Cela donnerait ainsi la saveur québécoise que l’exposition devrait avoir (sans trop faire un mauvais jeu de mots). Il est possible que les coûts de l’exposition ne permissent pas cela, mais ce que nous avons actuellement ne justifie pas le “moussage” qu’a donné le Centre des Sciences en promettant une réadaptation pour le public québécois.
La grande finale épate tous les sens
Heureusement que Banquet finit avec sa véritable “pièce de résistance”, l’œuvre multimédia où, à travers une projection à 360 degrés, les plats créés par les chefs Marx et Haumont prennent vie sous nos yeux. Il est difficile de décrire exactement la sensation que l’on vit en étant assis à table, mais les sens que nous utilisons lors du parcours sont de plus en plus engagés à mesure où le spectacle continue. L’utilisation de lumières interactives est à couper le souffle, et nous pouvons même sentir des arômes lorsque les mets sont confectionnés à l’écran jusqu’à notre table. C’est un véritable chef-d’œuvre qui finit ce parcours à la fois gourmand et scientifique en beauté.
Banquet aura lieu jusqu’au 16 mars 2025 au Centre des Sciences de Montréal. Les billets peuvent soit être achetés sur place ou sur leur site internet. Mais avec la foule qui était au rendez-vous un mercredi matin, je vous invite fortement à réserver votre place en ligne et aller directement à l’exposition lors de votre arrivée.
Pour un vidéo résumant l’exposition, rendez-vous sur notre page TikTok!
Journaliste: Maxance Vincent
Photo mise de l’avant: Maxance Vincent