Louise Harel a vécu dans Pointe-Saint-Charles à l’été 1967 et déménagé l’année suivante dans une grande maison du Carré Saint-Louis, où vivait son frère Pierre Harel, membre d’Offenbach. Elle s’est ensuite établie sur le Plateau-Mont-Royal et dans Outremont, avant de prendre demeure dans Hochelaga-Maisonneuve, la circonscription qu’elle a représentée pendant 27 ans au gouvernement provincial.


La question s’impose d’emblée: pourquoi ce quartier? «Puisque j’étais présidente de la région Montréal-Centre pour le Parti québécois, j’avais travaillé dans le dossier de l’autoroute est-ouest, un projet urbain de Robert Bourassa, qui a démoli 1800 logements le long de la rue Notre-Dame et provoqué la fermeture de plusieurs commerces et écoles dans Hochelaga. Puisque je m’étais beaucoup impliquée auprès des gens du quartier, René Lévesque m’avait demandé de m’y présenter.»

Les gens du coin l’ont adoptée en 1981 et réélue sans interruption jusqu’en 1998, période pendant laquelle Mme Harel a assisté à la transformation de la ville. «Quand j’ai été élue, Montréal était une ville ouvrière, spécialement dans Hochelaga-Maisonneuve, qu’on appelait la Pittsburgh du Canada. La circonscription avait d’importantes activités manufacturières, huit raffineries, les trains, les bateaux, etc.» Inévitablement, elle a été témoin de son déclin et du passage de l’économie industrielle à l’économie numérique. «La transition a fait beaucoup de victimes dans Hochelaga. Entre 1985 et 1990, on a perdu 8000 emplois. C’était l’hécatombe ! Puis, on a traversé une récession très dure : plusieurs personnes n’avaient plus les moyens de payer leur hypothèque et on avait dénombré 180 maisons barricadées. On ne s’en serait pas sorti dans le milieu communautaire.»

Plus de 200 organismes faisaient vibrer l’économie sociale Hochelaga-Maisonneuve, un secteur surnommé HOMA par les nouveaux citoyens attirés par la gentrification graduelle du quartier. Une situation qu’est loin de condamner l’ex-politicienne. «Je suis en faveur de la mixité sociale. Quand j’ai été élue députée, 92% des citoyens étaient locataires, ce qui n’est pas souhaitable. Il faut des copropriétés et des commerces qui répondent entre autres aux besoins de cette frange de la population. Cela dit, j’ai toujours été favorable à ce que les permis de construction viennent avec un pourcentage imposé de logements communautaires, sociaux, coopératifs ou autres. Lorsqu’on ne le faisait pas, je menaçais d’aller camper sur les chantiers de construction!» Elle ne délaisse pas pour autant la notion d’accessibilité des loyers. «C’est de plus en plus difficile de garder les familles avec plusieurs enfants, car elles manquent d’espace lorsqu’un deuxième bébé arrive. Puisque le quartier a beaucoup rajeuni, on retrouve beaucoup de jeunes qui louent à plusieurs de grands logements à 1200$ par mois, ce que plusieurs familles ne peuvent pas se permettre… Il ne faut pas les oublier.»

Ayant fait le saut en politique municipale en devenant cheffe de l’opposition officielle de 2009 à 2013, la politicienne de carrière voulait faire le ménage dans l’administration. «J’étais très indignée par la corruption qui régnait à Ville de Montréal. Rappelez-vous les compteurs d’eau… Je me suis même fait poursuivre par une firme d’ingénieurs à cause de mes déclarations sur le sujet. Je dérangeais.» Elle souhaitait aussi garder à l’œil de nombreux dossiers d’aménagement, ainsi que les effets des réorganisations municipales de 2003, alors qu’elle avait elle-même piloté le dossier des fusions municipales en 2000 et 2001. «Les arrondissements créés en 2000 étaient équivalents à ceux de plusieurs grandes villes du monde, mais sous un bâillon qui chapeautait neuf lois, dont quatre au niveau municipal, le gouvernement Charest a transformé les arrondissements en quasi villes en 2003. Elles peuvent organiser des élections au suffrage universel. Elles ont le pouvoir de poursuivre en justice et de taxer comme des villes. À bien des égards, ça coûte extrêmement cher aux Montréalais.»

Interviewée en période de pandémie, Louise Harel croit que nous avons plus que jamais un devoir de réfléchir à l’avenir de la collectivité. «Ce dont je rêve pour Montréal, c’est d’intensifier le bonheur d’y vivre, de reprendre en temps et lieu les événements ludiques et festifs, et de développer tout ce qu’on peut pour rendre la vie agréable. Ça implique un grand développement des transports collectifs, qui pourraient intégrer le taxi dans l’équation, comme c’est le cas ailleurs dans le monde.» Elle prêche également pour un plus grand investissement dans les écoles publiques. «C’est l’enfant pauvre de notre système. Si on veut retenir les familles sur l’île, il faut que l’école soit attractive. C’est impératif.»

À propos de l'auteur

Samuel Larochelle

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