World Press Photo 2017
150 photos pour témoigner du monde
Ce ne peut être que mise en scène, un geste théâtral. L’homme élégamment vêtu qui brandit le doigt, l’arme au poing après avoir tiré à bout portant dans le dos de l’ambassadeur de Russie en Turquie, est nécessairement un acteur. Cette réflexion liminaire du photographe turc Burhan Özbilici, témoin de l’assassinat d’Andreï Karlov par un policier turc dans une galerie d’art d’Ankara en décembre dernier, révèle l’absurdité de la scène qu’il saisira promptement. La série de clichés qui découle de l’évènement est en tête d’affiche de la 12e édition du World Press Photo, de passage à Montréal jusqu’en octobre. Échos propose ici un tour d’horizon des résultats du plus imposant concours de photojournalisme au monde.
Cuba après Fidel
Dans la catégorie Vie quotidienne (1er prix, volet Reportages), le journaliste chilien Tomas Munita tend l’objectif dans les rues de La Havane à la suite de la mort de Fidel Castro, survenu en novembre 2015. Dans un salon de barbier de la vieille ville, humide et jaune safran, de jeunes Cubains se rassemblent. Le délabrement des installations, rudimentaires, détonne de la précision du geste absorbé du barbier et de l’orgueil de l’homme juché sur la chaise haute. Le cliché rend compte de cette dichotomie cubaine, pays à cheval entre passé et avenir, entre tradition et modernité, posture certainement exacerbée par le décès du dirigeant Castro.
Au Brésil, la misère
Le photographe allemand Peter Bauza s’est mérité le troisième prix dans la catégorie Sujets contemporains, volet Reportages, pour sa série d’images saisies aux abords du complexe immobilier Copacabana, près de Rio, dans lequel vivent précairement quelque 300 familles. La jeune Eduarda, perchée à la fenêtre d’un immeuble anthracite, est songeuse. Quel avenir pour elle et ses sept frères et sœurs? Au-delà de la misère, oscille peut-être encore la lueur d’une vie meilleure.
Une lumière crue, mais sincère
L’exposition, inévitablement provoque: conflits armés et sanglants, en Syrie, en Irak, ou en Ukraine russophone; détresse de migrants abîmés dans la Méditerranée; fragilité de la faune assaillie ou victime collatérale de l’Homme, la propension au chaos semble inépuisable, la barbarie ne pas connaître de frontières. Au fil de ce parcours d’émotions aiguillonnées par un répertoire d’images éclectique, un constat : si la photographie permet essentiellement de figer le temps, c’est celui-ci qui souvent semble fixe et immuable. La permanence de turpitudes et l’incapacité patente de déloger des mœurs abjectes fâchent, voire révoltent. Pourtant, il y a forcément autre chose à ce brouillamini incessant. Le courage, la solidarité et la sollicitude dont témoignent certains clichés forment un contrepoids essentiel, un pendant qui au final vivifie et redonne espoir. L’exercice est en outre difficile, souvent laid, parfois beau, mais infiniment vrai.