Au revers des désagréments, voire des misères dont il est la source, le confinement, de par le holà qu’il met – du moins un temps – sur les quotidiens effrénés, ouvre la porte à ces projets toujours remis à plus tard, à ces envies et talents ensevelis sous les besognes de la vie dite «productive». Chez les Cochrane-Bilodeau, à Saint-Adolphe-d’Howard dans les Laurentides, la terre, devenue potager, a retrouvé son essence sous les soins d’Édith, et le pain, son caractère communautaire au creux des mains d’Emmanuel. Des passions que l’arrêt forcé a permis de raffermir, ou bien de découvrir…jusqu’à occuper toute la famille ! Échos s’est entretenu avec l’homme soit confiné, mais toujours actif.

© Michel Parent

On semble y être, alors je vous pose la question: comment se déroule votre déconfinement? Ou, êtes-vous encore confinés?

Le confinement, le déconfinement, c’est relatif! Je dirais qu’on déconfine tranquillement. Dernièrement, mes enfants ont vu leurs grands-parents sur la galerie, c’était un très beau moment. Pour moi, c’est merveilleux ce que ça (le confinement) a provoqué chez nous, ce qui s’est créée comme dynamique. On a deux garçons de 10 et 12 ans, ils se sont en quelque sorte trouvés. Et ça donne un break de la vie de fous qu’on avait. Personnellement, ça m’a permis de faire du pain de manière plus professionnelle pour la boulangerie Merci la vie, qui me fournit la pâte. Je la façonne, la laisse lever, et l’enfourne. C’est distribué dans les paniers alimentaires pour les gens dans le besoin. C’est ma petite contribution en période de crise.

Vous avez aussi commencé à faire des semis, je crois?

Oui, on fait beaucoup de jardinage, ce qu’on n’avait jamais fait! On a appris plein de choses. Il y a une volonté de ralentir, d’être plus autonome. En fait, on a toujours eu la volonté, mais il n’y avait pas le besoin de le faire. Mais là, on est plus que jamais conscients de l’importante de jardiner, d’acheter local, même de faire son shampooing, des savons. C’est de plus en plus évident qu’on achète des plastiques pour rien.

C’est un discours certes environnementaliste. Vous qui militez depuis plusieurs années pour la cause environnementale, qui avez dernièrement avez animé un spectacle-bénéfice pour la protection de la forêt amazonienne, croyez-vous que l’arrêt permettra d’enraciner l’idée de transition écologique?

J’ai pas tellement confiance en l’être humain pour faire des changements quand il n’est pas obligé de le faire. Mais quand il est obligé, il peut. Et je pense que le timing est très bon pour écouter les environnementalistes et pour changer de pratiques. C’est maintenant ou jamais.

La boulange, le jardinage, la distance prise par rapport aux produits faits de plastique…on décèle chez-vous un désir d’autosuffisance, et peut-être même une volonté de vivre différemment. À quel point la crise vient-elle relativiser vos propriétés?

C’est sûr que ça change les choses. On évalue la possibilité d’acheter une terre pour produire nous-mêmes nos produits agricoles. On pourrait partager les tâches avec d’autres. On l’envisage avec beaucoup de sérieux, plus qu’on ne l’a jamais fait. On veut aussi moins de consommation, mais c’est difficile. C’est la nature humaine de vouloir consommer. Mais pour revenir à la question, c’est clair que pour nous, la crise actuelle, ça change la vie.

Assez pour remettre en question vos projets professionnels, votre carrière artistique ?

C’est une bonne question. On avait l’idée de changer de vie, on voulait partir un an, aller ailleurs, et c’est comme si cet arrêt obligatoire nous fait vivre ça. On n’a pas tant le goût de retourner à cette vie effrénée, mais en même temps on n’a pas le choix de faire des sous, de supporter nos enfants, ils ont besoin de nous financièrement. Il faut un équilibre dans tout ça en tout cas.

Photo bannière principale: © Michel Parent

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Échos Montréal

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