Une université à la fois

En 1974, l’Université Concordia a vu le jour en fusionnant le Collège Loyola et l’université Sir George Williams. Neuf ans plus tard, Graham Carr y a fait ses débuts en tant que professeur d’histoire. Au cours des quatre décennies qui ont suivi, il a gravi les échelons pour devenir recteur et vice-chancelier de l’établissement montréalais, qui arrive en tête des universités de moins d’un demi-siècle au Canada.

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Pourquoi avez-vous choisi d’enseigner à Concordia?

Bien franchement, je ne connaissais pas l’établissement avant d’y être embauché en 1983. À l’époque, il n’y avait pas beaucoup de postes pour les jeunes professeurs à travers le Canada. J’ai été chanceux, car Concordia avait besoin d’un prof en histoire pour un contrat de dix mois. Finalement, j’ai eu la chance de rester dans les années suivantes et de grandir dans l’établissement en occupant des postes dans l’administration. Je suis devenu passionné de notre université!

Vous avez étudié à l’Université Queen à Kingston, en Ontario, ainsi qu’à l’Université du Maine aux États-Unis. En quoi ces établissements sont-ils différents de Concordia?

Au début de ma carrière, j’aurais eu du mal à répondre à cette question, mais aujourd’hui, après une décennie comme administrateur, je réalise à quel point c’est intéressant de faire partie de l’écosystème montréalais d’enseignement supérieur. Ça n’existe nulle part ailleurs au Canada. Je vois seulement une ville comme Boston qui possède quelque chose de similaire. Nous sommes très chanceux d’avoir des universités de qualité mondiale ici. Cela dit, Concordia n’est pas obligée faire comme McGill, l’UQÀM ou l’UdeM. Nous pouvons ajouter quelque chose de différent au réseau universitaire.

Avez-vous perçu des différences entre les systèmes canadien et américain?

Bien sûr. Au Canada, tous les établissements sont publics et financés par leur gouvernement provincial. Aux États-Unis, quand on évolue dans le secteur privé, c’est un autre monde! Les frais de scolarité sont extraordinaires. Les universités bénéficient de grands dons philanthropiques et elles ont les moyens de faire bien des choses. Dans le secteur public américain, les universités reçoivent une part de leur budget fonctionnel du gouvernement, mais on sent que le gouvernement est vraiment dans la machine. Chez nous, on possède une autonomie institutionnelle face au gouvernement et on doit protéger ça.

Qu’est-ce qui démarque l’Université Concordia des autres universités montréalaises?

Le fait que nous sommes une université jeune et innovante qui met beaucoup l’accent sur les expériences étudiantes au campus et à l’extérieur dans le milieu du travail. Presque tous nos étudiants ont la possibilité de faire un stage à l’extérieur de l’école ou un échange avec une université étrangère. On tient à donner à nos étudiants cette expérience hors des murs de l’école.

Quels sont les préjugés à l’égard de Concordia?

Notre problème, c’est que nous sommes peut-être un secret trop bien gardé à Montréal et à travers le Québec. Et on est toujours comparé à l’Université McGill comme une université anglophone. Pourtant, 70% de nos étudiants sont Québécois, dont plus de 20% sont francophones. Notre établissement est ancré au cœur de Montréal. Nous sommes très ouverts. Nous voulons nous engager avec la ville et la société québécoise. Mais on compose avec l’historique de l’université, qui a été fondée à une époque où la plupart des étudiants venaient des milieux anglophones et allophones de la métropole. Durant quelques décennies, ils ont représenté notre bassin principal d’étudiants. Toutefois, au cours des dernières années, l’université a fourni beaucoup d’efforts pour être plus ouverte, en faisant davantage de recrutement dans les milieux francophones. Nous avons des programmes-phares comme le journalisme, le cinéma, la gestion, le génie informatique, la cybersécurité, l’aéronautique et notre école des beaux-arts, qui est la plus grande faculté du genre au pays. Notre défi est de mieux faire la promotion de nos forces.

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En quoi est-ce différent de diriger une jeune université en comparaison avec une université qui a 350 ans?

L’histoire peut être lourde parfois. Je pense que notre jeunesse nous donne le réflexe d’être innovateur, de ne pas craindre d’expérimenter ni d’essayer de nouvelles choses. Concordia se positionne comme l’université de la prochaine génération. Je ne veux pas exagérer en disant que tout est facile à implanter. Mais je pense que dans un établissement plus jeune, il y a moins d’habitudes établies depuis des décennies, alors ça nous donne un peu de marge de manœuvre. À l’intérieur de l’université, on encourage les gens à sortir de leur zone de confort, à travailler avec d’autres disciplines et d’autres facultés.

Quelle influence ont les traditions du Collège Loyola et de l’université Sir George Williams?

Un élément clé dans la mission de ces deux établissements, surtout celle de Sir George Williams, est la question de l’accessibilité et de l’excellence. L’une de nos valeurs reste encore d’être une université accessible aux gens. Un grand nombre de nos étudiants sont les premiers dans leur famille à poursuivre une diplomation universitaire. Nous sommes très fiers de ça. Ça nous amène une population étudiante très diversifiée.

En 2019, vous avez été nommé recteur et vice-chancelier pour un mandat de cinq ans. Comment avez-vous influencé l’université depuis?

Il faut rappeler que deux de ces trois années ont été très occupées par les défis de la pandémie, mais avant l’arrivée de la COVID-19, nous avons annoncé quelque chose dont je suis très fier: soit notre désir de mettre l’accent sur la durabilité. Dès 2025, notre Fondation va investir uniquement dans des entreprises durables. Concordia est la première université à travers le pays à faire une telle annonce et peut-être à travers l’Amérique du Nord. Ça reflète l’intérêt énorme de nos étudiants, de nos professeurs et de nos facultés à mettre de l’avant les questions de durabilité. D’ailleurs, Concordia se trouve dans le top 25 des universités à travers le monde en matière d’efficacité énergétique, des questions d’inégalités et des enjeux associés aux villes intelligentes. Évidemment, tout cela n’est pas seulement à cause de moi, mais de l’ensemble de l’établissement. Cela dit, c’est très important à mes yeux.

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À propos de l'auteur

Samuel Larochelle

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